Bookmark and Share

Visite apostolique de St Jean Paul II au Congo

lundi 5 mai 1980

Pope St John Paul II was a pilgrim to Congo-Brazzaville in 1980, during his 5th apostolic journey on which he also visited Zaire (now DR Congo), Kenya, Ghana, Upper Volta (now Burkina Faso) and the Ivory Coast.

On his one day pilgrimage, after being welcomed to Congo John Paul II visited Brazzaville Cathedral, met with the President of Congo and celebrated Holy Mass in Brazzaville, from where he made his departure.

Discours du Pape St Jean Paul II à l'arrivée au Congo
Brazzaville - en espagnol, français, italien & portugais

"Que Dieu bénisse la terre congolaise sur laquelle j’ai été invité à m’arrêter au cours de ma visite pastorale en Afrique!

Monsieur le Président, Ce sont des paroles de paix et de bénédiction que le Chef de l’Église catholique vient, en ce jour, adresser à la nation dont vous assumez la plus haute charge. Avec quelle joie et avec quelle reconnaissance envers Dieu, qui a permis ce voyage tant espéré! Ayant pu déjà me rendre en plusieurs contrées pour y porter le témoignage de l’Évangile, depuis que la Providence m’a appelé au service de l’Église universelle, il me pressait d’aller rencontrer chez elles les populations africaines et de leur exprimer ma sollicitude: “Mon obsession quotidienne, le souci de toutes les Églises” (2 Cor 11, 28).

En offrant courtoisement leur hospitalité et leur concours, les Autorités de la République Populaire du Congo méritent bien que je les remercie de leur accueil, et tout particulièrement Votre Excellence. Je leur exprime mon salut respectueux, à l’image des relations toujours plus confiantes qu’il me plairait d’entretenir personnellement avec elles.

Je vous salue tous, chères congolaises et chers congolais, habitants de Brazzaville et vous qui, ne voulant pas considérer les fatigues du déplacement, êtes accourus d’autres régions du pays. Vous aussi, qui demeurez dans vos villes et vos villages et m’écoutez peut-être sur les ondes de la radio. Vous tous, je veux vous bénir et vous encourager dans votre travail, dans vos activités diverses, mais surtout dans votre vie, en pensant à vos joies et à vos peines, et aussi à tous les efforts que vous entreprenez sur le plan personnel ou comme citoyens. Vous tous, sans exception aucune, je vous apporte mon affection profonde, avec des souhaits à toutes vos intentions personnelles et familiales. Des souhaits aussi pour votre patrie et son avenir prospère et pacifique.

Aux communautés chrétiennes du pays et à ceux qui s’y dévouent, comme aux catholiques des pays voisins que je n’aurai pas la chance d’aller trouver sur place, j’adresse mes encouragements très fervents pour leur zèle apostolique et leur fidélité à l’Église. Puisse Dieu les récompenser de tant d’ardeur, et en faire un sujet d’édification pour leurs frères dans la foi en Afrique comme dans le monde! J’aurai le bonheur, dans un moment, de me recueillir avec les délégations rassemblées à la cathédrale, et de leur adresser la parole, mais à travers eux c’est à tous que parlera le Vicaire du Christ.

Oui, je prie pour le bon déroulement de cette étape congolaise de mon voyage, un voyage d’amitié, un voyage religieux sur lequel je fonde de nombreux espoirs, car il veut servir à l’avenir des peuples selon Dieu."

Discours du Pape Jean-Paul II dans la cathédrale de Brazzaville
Brazzaville, lundi 5 mai 1980 - en espagnol, français, italien & portugais

"Chers Frères dans l’épiscopat, et vous qui avez consacré votre vie au Seigneur, et vous les fidèles de l’Église au Congo.

1. Recevez le salut paternel et affectueux du Vicaire du Christ, venu vous voir en pèlerin de l’Évangile, pour vous dire comme l’Apôtre Paul: “Je me rappelle la part que vous avez prise à l’Évangile, depuis le premier jour jusqu’à maintenant; j’en suis sûr d’ailleurs, Celui qui a commencé en vous cette œuvre excellente en poursuivra l’accomplissement jusqu’au Jour du Christ Jésus...Oui, Dieu m’est témoin que je vous aime tendrement dans le cœur du Christ Jésus!” (Phil 1, 5-6, 8).

Cette sollicitude constante que j’éprouve à votre sujet, j’ai voulu vous l’exprimer personnellement, tant était grand mon désir de vous voir, de vous encourager tous et de vous bénir. Vous-mêmes souhaitiez pouvoir donner au Pape, au cours de son voyage en Afrique, le témoignage de votre foi et de votre fidélité à l’Église. En répondant avec joie à votre invitation, j’ai conscience que nous nous trouvons, les uns et les autres, à un moment tout à fait particulier, et que le Seigneur nous demande de le rendre fécond. Au-delà de la joie humaine et spirituelle de cette rencontre entre frères en Jésus-Christ, c’est la présence même du Christ qui nous saisit en ce lieu vénérable, le premier siège épiscopal du Congo. Vers Lui, qui fut envoyé dans le monde afin, que nous vivions par Lui” (1 Jn 4, 9), tournons ensemble notre regard en une prière d’action de grâces et de supplication.

2. Une prière d’action de grâces pour tout ce qu’il a réalisé déjà en vous et avec vous, vous tous qu’il a appelés pour que vous alliez et que vous portiez du fruit. N’est-ce point du fait de vos efforts persévérants que la semence jetée par les premiers missionnaires a pu produire largement?

Que la formation des catéchistes, systématiquement entreprise, offre aujourd’hui un outil remarquable pour l’évangélisation? Je sais d’ailleurs que nombre de jeunes se montrent disponibles pour coopérer à l’instruction religieuse des enfants des écoles, et leur transmettre leurs propres raisons d’espérer. Je sais aussi que partout, dans les paroisses comme dans les postes éloignés, on n’a pas peur des difficultés, on travaille avec courage pour annoncer la Bonne Nouvelle. Il y a là, me semble-t-il, comme une preuve de maturité. Les disciples de Jésus boiront sa coupe (cf Mc 10, 39). C’est pour cela qu’ils ont été choisis. Cela aussi, Il le leur a fait connaître, et c’est pourquoi il les appelle désormais ses amis (cf Jn 15, 15). Quand je vois ici, en Afrique, tous ces chrétiens courageux, je ne puis m’empêcher de penser que, de nos jours, le Christ a beaucoup d’amis en Afrique et que l’Église en Afrique est mûre pour affronter toutes les contrariétés et toutes les épreuves.

Le courage, le loyauté, l’enthousiasme de posséder un trésor et le désir de le partager, telles sont bien les qualités de l’apôtre, et vous avez à les cultiver. Aux yeux des hommes ce trésor est impalpable; il ne peut être que mystérieux. Mais vous connaissez vous mêmes et, d’une certaine façon, vous vivez ces paroles si profondes que l’Écriture met dans la bouche de Pierre: “De l’argent et de l’or, je n’en ai pas, mais ce que j’ai, je te le donne: au nom de Jésus-Christ le Nazaréen, marche” (Act 3, 6).

Dans l’histoire du Congo se sont dressés déjà des témoins fidèles, fidèles à leur Dieu, fidèles au message évangélique, fidèles à l’Église universelle et à l’enseignement du Pape. Je veux rendre grâce aussi pour eux tous, et spécialement pour l’exemple laissé par le cher et vénéré Cardinal Emile Biayenda. Sa disparition tragique vous a fait pleurer un père. J’ai pleuré moi-même un frère très aimé. Je viens le pleurer et prier ici, sur sa tombe, au milieu de vous, avec vous, sûr que si le Christ a désiré qu’il fût désormais auprès de lui, c’est que sa place était prête pour l’éternité (Jn 14, 2-3), et qu’il peut ainsi mieux encore intercéder pour vous et pour sa patrie. En ce sens, son ministère pastoral se poursuit à votre service. Béni sois-tu, Seigneur, de nous avoir donné ce Pasteur, ce fils de là Nation Congolaise et de l’Église, le Cardinal Biayenda!

3. Et maintenant, Seigneur, je Te supplie pour mes frères et sœurs les catholiques du Congo. Je Te les confie, puisque Tu m’as permis de les visiter chez eux. Je Te recommande leur foi, jeune mais combien pleine de vitalité, pour qu’elle grandisse, qu’elle soit pure et belle, et communicative, qu’elle continue à pouvoir s’exprimer et être proclamée librement, car la vie éternelle c’est qu’ils connaissent le seul véritable Dieu et son envoyé, Jésus-Christ (Jn 17, 3). Je les confie également à Ta sainte Mère, la Bienheureuse Vierge Marie, Mère de l’Église et notre Mère. Qu’Elle les prenne sous sa protection toute maternelle et veille sur eux dans leurs difficultés! Qu’elle leur apprenne à se tenir au pied de Ta Croix et à se réunir autour d’Elle dans l’attente de Ta venue, quand les temps seront accomplis!

Avec eux, je Te prie pour leur unité, qui puise sa source en Toi, et sans laquelle leur témoignage serait affaibli: unité du corps épiscopal, unité dans le clergé et dans les diocèses, capacité de collaborer au-delà de toute diversité ethnique ou sociale, unité aussi avec le Siège de Pierre et l’ensemble de l’Église. Tu ne peux fermer l’oreille à cette prière, Toi qui t’es livré pour rassembler les enfants de Dieu.

Écoute encore l’invocation que nous T’adressons en ce jour pour la sanctification des prêtres, des religieux, des religieuses et de tous ceux qui, dans les divers centres de formation, se préparent à Te consacrer leur vie. Répondant à ton appel, qu’ils sachent renoncer aux choses de ce monde pour Toi, à toute recherche d’une gloire matérielle ou humaine, et se montrent disponibles aux urgences de l’Église en quelque mission qui leur sera confiée (cf Ad Gentes, 20). Heureux de leur don total, heureux de leur célibat, puissent-ils approfondir, eux dont l’Eucharistie marque le sommet de toutes les journées, ce que signifie offrir sa vie en sacrifice pour le salut des hommes.

Dans ta bonté, je sais que Tu te souviendras d’une façon spéciale du sacrifice des missionnaires, lesquels, par amour pour Toi, ont quitté leur pays d’origine, leurs familles, tout ce qu;ils avaient, pour venir vivre au milieu de leurs frères congolais, aimer ce Peuple devenu le leur et le servir. Récompense, Seigneur, tant de générosité! Fais qu’elle soit reconnue, qu’elle suscite d’autres vocations, qu’elle éveille chez tous un véritable esprit missionnaire.

Entoure aussi et particulièrement de ta bienveillance tes humbles serviteurs, les évêques auxquels Tu as confié ces Églises locales. Je suis près d’eux, ce matin, pour les affermir en ton nom. Il sont là, les trois pasteurs du Congo, et la plupart de leurs confrères des Conférences épiscopales voisines avec lesquels ils se réunissent habituellement sous la présidence, aujourd’hui, de Monseigneur N’Dayen, Archevêque de Bangui. Il y a même quelques évêques d’autres pays proches. Ils ont apporté leurs préoccupations pastorales et toutes les intentions dont les ont chargés leurs communautés. Oui, comme Tu l’as demandé à Pierre et à ses successeurs, je veux leur apporter la force tranquille et la certitude de ton assistance dans leur labeur quotidien si méritoire. Et je veux assurer ceux qui n’ont pu se joindre à nous de ma proximité fraternelle et spirituelle, prendre sur mes épaules une part de leur fardeau, alors que certains souffrent si cruellement des souffrances de leur peuple. Chers confrères du Tchad, c’est à vous que je songe en tout premier lieu, et au troupeau qui vous est confié. Que Dieu vous aide à panser les plaies et à guérir les cœurs! Qu’il vous donne la paix!

4. Frères et sœurs, je ne puis poursuivre plus longtemps. Tant de pensées emplissent mon esprit dont j’eus aimé vous entretenir. Il m’a semblé que, limité par le programme, le Pape pouvait du moins dédier cette rencontre à une prière commune, vous invitant ainsi implicitement à faire de même en toute occasion, pour que vous annonciez vraiment ce que vous avez contemplé du Verbe de Vie (cf 1 Jn 1, 1). C’est cela que l’on attend des ministres de Dieu. Tout le reste, d’autres peuvent le donner. Si vous voulez être zélés, soyez d’abord pieux, et vous comprendrez tout. Vivez en union avec Dieu. Il vous aidera à supporter les tribulations humaines, parce que vous apprendrez à les relier à la Croix, à la Rédemption. Mais, plus que cela, il viendra en vous et il y établira sa demeure.

Priez aussi pour moi, mes bien-aimés dans le Seigneur. Vous me le promettez? Je vous promets pour ma part que ce lien nouveau qui vient d’être noué avec cette partie de l’Afrique se traduira concrètement, au souvenir de vos visages, de vos personnes, de ceux qui bénéficient de vos soins pastoraux ou que vous représentez ici de quelque manière. A tous, ma bénédiction et mes vœux très fervents. Et que Dieu bénisse aussi votre patrie et toutes les nations environnantes."

Discours du Pape Saint Jean-Paul II au Président du Congo
Brazzaville - en espagnol, français, italien & portugais

"Monsieur le Président,
1. A mon arrivée à Brazzaville, j’ai été heureux, en réponse aux aimables paroles de Votre Excellence, d’exprimer ma joie très grande de cette visite au Peuple Congolais, à ses dirigeants et à l’Église catholique qui vit dans le pays. Puisque la possibilité m’en est offerte à nouveau, je voudrais renouveler mes sentiments de gratitude, et saisir l’occasion pour formuler quelques pensées dans le cadre de la présente rencontre, une rencontre sur laquelle je fonde beaucoup d’espoirs.

2. N’est-ce point la première fois en effet que le Pape peut s’entretenir avec le Chef de l’État Congolais, et lui dire avec simplicité ce qui lui tient le plus à cœur? Il est vrai que, désireux de renforcer leurs rapports d’amitié, le Saint-Siège et la République Populaire du Congo ont établi des relations diplomatiques, et ont maintenant des représentants accrédités dont la mission est.

Précisément, de promouvoir un dialogue permanent, utile pour se mieux comprendre, et bénéfique parce que participant d’un esprit de coopération loyale. Je me félicite personnellement d’avoir reçu la semaine dernière au Vatican votre Ambassadeur, qui, désormais, se fera l’interprète du Gouvernement et pourra, en retour, lui exposer les vues du Saint-Siège.

3. Mais outre ce moyen habituel de converser, dont nous souhaitons tous l’efficacité, il semble qu’un contact direct comme celui-ci porte en lui-même une aptitude particulière à développer le climat serein et constructif qui doit régner entre nous.

Ce contact invite au respect mutuel. Il se produit entre les responsables de deux entités différentes.

L’Eglise est une institution spirituelle, même si son expression est aussi sociale; elle se situe au-delà des patries temporelles, comme communauté de croyants. L’État est une expression de l’autodétermination souveraine des peuples et des nations, et constitue une réalisation normale de l’ordre social; c’est en cela que consiste son autorité morale[1]. Prendre conscience de cette différence de nature évitera toute confusion et permettra de procéder dans la clarté.

C’est reconnaître le caractère propre de l’Église, qui ne relève pas d’une structure civile ou politique. Et c’est reconnaître à l’État le droit d’exercer souverainement son autorité dans son territoire, et à ses dirigeants la responsabilité de travailler pour le bien commun des populations dont ils sont les mandataires. L’idée même de souveraineté, faite de droits et de devoirs, implique indépendance politique et possibilité de décider de la destinée de façon autonome. Où mieux qu’en Afrique convenait-il de le rappeler? Ce continent a vu, en une vingtaine d’années, un nombre élevé de nations accéder à la souveraineté. Le fait de prendre en mains sa destinée est une question à la fois de dignité et de justice. Le processus fut parfois difficile; il n’est pas encore partout achevé; il suppose aussi que les populations puissent réellement y participer.

4. Entre l’Église et l’État, par conséquent, on trouve ici le fondement de l’estime mutuelle, qui se traduira par le respect du domaine propre de chacun, en raison de leurs natures différentes. L’État peut compter sur la collaboration loyale de l’Église, dès lors qu’il s’agit de servir l’homme et de contribuer à son progrès intégral. Et l’Église, au nom de sa mission spirituelle, demande pour sa part la liberté de s’adresser aux consciences ainsi que la possibilité pour les croyants de professer publiquement, de nourrir et d’annoncer leur foi. Je sais, Monsieur le Président, que vous avez compris cette aspiration, qui ne saurait nuire en aucune manière à la souveraineté de l’État dont vous êtes le gardien... La liberté religieuse est en effet au centre du respect de toutes les libertés et de tous les droits inaliénables de la personne. Elle contribue grandement à sauvegarder, pour le bien de tous, ce qui est l’essentiel d’un peuple comme d’un homme, c’est-à-dire son âme. Il est heureux que les Africains y tiennent beaucoup.

5. Je parlais il y a un instant de service de l’homme. Voilà un objectif sur lequel il est permis de dialoguer. Voilà un idéal que l’on pourrait qualifier de commun entre l’Église et l’État. Il mérite de notre part une attention toujours nouvelle. Mon vœu, c’est que les conversations qui ont déjà eu lieu sur ce point, tant au niveau local avec les pasteurs responsables de l’Eglise au Congo qu’entre les Autorités de la République et le Saint-Siège, se poursuivent de manière plus fréquente et plus approfondie. Nul doute qu’elles se révéleraient profitables et utiles pour cette grande cause.

Je vous salue respectueusement, et je demande au Tout-Puissant d’assister Votre Excellence et les hautes personnalités ici présentes dans leur service de la communauté humaine congolaise."

Homélie du Pape Saint Jean Paul II à la Sainte Messe à Brazzaville
Brazzaville - en espagnol, français, italien & portugais

"Chers Frères et Sœurs dans le Christ,
« Chantez à Dieu, dans vos cœurs, votre reconnaissance » (Col 3, 16).

1. Aujourd’hui, c’est l’Evêque de Rome qui vient à vous, le Successeur de l’Apôtre Pierre auquel Jésus a dit: « Affermis tes frères » (Lc 22, 31). Je viens donc vous affermir dans la foi, la charité et l’espérance.

Je viens vous affermir dans la foi que vous possédez déjà grâce à une évangélisation qui a porté ses fruits. Je vous parlerai de cette évangélisation pour vous encourager à la poursuivre.

Je viens stimuler votre charité entre vous et envers tous, « l’amour qui fait l’unité dans la perfection ». Pour cela, je vous rappelle les paroles de l’Apôtre Paul: « Revêtez votre cœur de tendresse et de bonté, d’humilité, de douceur, de patience, en vous supportant et en pardonnant mutuellement » (Col 3, 12-13). Jésus n’avait-il pas dit: « Aimez vos ennemis, afin d’être vraiment les fils de votre Père » (Mt 5, 44-45)?

Je viens fortifier votre espérance afin qu’aucune épreuve ne vous détourne du chemin où vous êtes engagés ni du but de votre vie chrétienne: le salut de vos âmes, l’édification de l’Eglise.

Et je le fais en reliant votre communauté catholique à l’Eglise universelle qui est unique dans la diversité de ses membres.

2. Mais tout d’abord, le Pape n’aurait pas eu l’occasion de venir chez vous s’il n’avait été précédé, depuis tout juste un siècle, par de valeureux missionnaires, qui, pour leur part, n’avaient d’autre souci que votre bien spirituel. Ils sont arrivés chez vous, brûlant d’amour pour le Christ et pour vous, pour vous proposer l’Evangile qu’ils avaient eux-mêmes reçu. Car toute foi vient du Christ, par les Apôtres. « Comment croire sans d’abord L’entendre? Et comment entendre sans prédicateur? Et comment prêcher sans être d’abord envoyé? » (Rm 10, 14-15).

Ces missionnaires ont été accueillis chez vous. Ils ont dû commencer par vivre avec vous, par prier au milieu de vous, en témoignant leur amour ― car cet amour est le cœur de notre message ― sous forme d’amitié, d’hospitalité, d’entraide et aussi de soins et d’instruction. Ils ont annoncé l’Evangile, car ils savaient votre faim de la Parole de Dieu. Certains de vos pères ont adhéré à la foi. Ils se sont longuement préparés au baptême. A partir de là est née l’Eglise au Congo. Mais le souci des missionnaires a été aussi de préparer parmi les fils de cette nation des évangélisateurs, des catéchistes, et bientôt des prêtres, des religieux, des religieuses. Chez vous, l’Eglise s’est rapidement développée, au point qu’un grand nombre de vos compatriotes sont entrés dans sa famille. Nous n’oublierons pas pour autant la somme de patience, d’épreuves, de peines, de joies et d’espérance des missionnaires et les mérites de vos pères.

Aujourd’hui l’Eglise est conduite par des évêques congolais, qui ont été constitués vos Pasteurs, à travers l’imposition des mains de leurs aînés. C’est un signe de la maturité de votre Eglise. Votre communauté avait même donné à l’Eglise universelle un cardinal, c’est-à-dire un collaborateur plus spécialement lié au Pape et à l’Eglise de Rome, et que nous pleurons tous. Vos communautés sont appelées à s’affermir et à grandir. Vivez dans l’action de grâce!

3. Réfléchissons un instant, Frères et Sœurs, à cette évangélisation qu’il faut poursuivre. Evangile veut dire « Bonne Nouvelle ». Quelle Bonne Nouvelle?

L’Evangile ne promet pas la richesse, ni des conditions de vie faciles, ni même le pain quotidien, bien qu’il nous fasse un devoir d’y travailler, solidairement, avec courage et sens de la justice; sans négliger d’ailleurs de les demander en même temps à Dieu et lui rendre grâce, à Lui qui est l’Auteur de tout bien.

Peut-être identifiez-vous alors la Bonne Nouvelle à la paix? De fait, c'est une chose merveilleuse que la paix dans la société, la paix dans les familles, la paix d’une vie libre, et surtout la paix dans le cœur de chacun, la paix d’une conscience droite qui vit dans la sérénité et la confiance, devant Dieu et devant les hommes. « Que la paix du Christ règne dans vos cœurs » dit saint Paul (Col 3, 15).

Mais cette paix elle-même vient de la Bonne Nouvelle de l’amour de Dieu qui nous a aimés le premier, et nous a pardonnés. « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle, ... pour que le monde soit sauvé par lui » (Jn 3, 16-17). Comme le notait l’Exhortation apostolique Evangelii Nuntiandi de mon vénéré prédécesseur Paul VI: « Cette attestation de Dieu rejoindra peut-être pour beaucoup le Dieu inconnu qu’ils adorent sans lui donner un nom ». Pour nous, « le Créateur n’est pas une puissance anonyme et lointaine: il est Père. "Nous sommes appelés fils de Dieu, nous le sommes effectivement", et nous sommes donc frères les uns des autres en Dieu » (n 26).

4. Cette vérité a été révélée par Dieu, en Jésus-Christ, celui qui est mort et ressuscité pour nous, le « Premier et le Dernier », « le Vivant », « le Témoin fidèle et vrai » (Ap. 1, 17-18; 2, 14), qui réunit ses disciples dans une famille profondément solidaire, comme les membres de son Corps, l’Eglise. Cette vérité est attestée par vingt siècles d’histoire chrétienne. Elle a été vécue par des millions de disciples de Jésus Christ dans tous les pays, souvent jusqu’à la sainteté, parfois jusqu’au martyre. N’avez-vous pas déjà fait l’expérience qu’elle illumine vos vies? Elle vous en montre le sens et le but. Elle vous assure de la présence de l’Esprit Saint, le Défenseur, qui vous libère de vos péchés, de tout ce qui risque, en vous et en dehors de vous, de vous détourner de la droiture, de la pureté de vie, de la justice, de la paix, de la réconciliation, du partage, de l’amour fraternel. C’est dire que l’éducation dans la foi pose les bases morales d’une vie en société meilleure, vraiment renouvelée. Et les chrétiens initiés aux sacrements ont la joie de s’unir ici-bas autour du Seigneur, pour participer à son sacrifice et à son banquet ― la messe ―, en attendant la vie éternelle avec lui. Evangéliser, c’est porter cette Bonne Nouvelle dans tous les milieux, la proposer par des moyens pacifiques au libre consentement, et, par son impact, transformer du dedans, rendre neuve l’humanité elle-même (cf Evangelii Nuntiandi, n 18).

5. Certes, l’adhésion dans la foi à cette Bonne Nouvelle requiert une conversion, non seulement avant le baptême, mais dans toute la vie. Les idoles auxquelles il faut renoncer sont toujours renaissantes, même si elles portent parfois des noms nouveaux, dans les vieilles Eglises d’Occident comme dans les jeunes Eglises d’Afrique. Il y a des obstacles au niveau de l’esprit humain ― et le matérialisme, idéologique ou pratique, n’est pas des moindres ― qui peuvent détourner du message du salut en laissant entendre qu’il est inutile ou illusoire. Il y a des obstacles, plus encore peut-être, au niveau de nos habitudes personnelles ou familiales, des mœurs de la société qui tendent à reléguer l’Evangile comme un idéal trop difficile. C’est vrai que Jésus a dit: « Soyez parfaits, comme votre Père céleste est parfait » (Mt 5, 48).

Il faut alors se souvenir que Dieu est aussi le Dieu de la miséricorde, comme l’Eglise est une mère miséricordieuse: malgré le caractère pécheur, faible, hésitant de ses fils, elle les invite à l’espérance, elle leur propose un idéal chrétien, une sainteté, non comme un fardeau, mais comme une lumière qui attire et qui élève les cœurs. Même si l’évangélisation connaît, ici ou là des étapes progressives et laborieuses ― on n’a jamais fini de devenir chrétien! ―, l’Eglise sait que les fils de ce pays sont capables d’une authentique vie chrétienne. Ils l’ont déjà prouvé largement. Et l’Eglise compte beaucoup sur vous.

6. Cette évangélisation de la conscience personnelle et collective des hommes doit donc se poursuivre selon les voies qui sont semblables dans toute l’Eglise (cf Décret Ad Gentes, 11-18; Evangelii Nuntiandi, 21-24), mais dont il vous faut trouver ici l’application concrète, en fonction de votre culture africaine et de votre situation actuelle. Vient en premier lieu le témoignage de votre vie de chrétiens, celui des familles, des adultes et des jeunes, des personnes consacrées: votre façon chrétienne de vivre peut susciter, par elle-même, et dans le plein respect des autres, l’attrait de l’Evangile. Il faut aussi une annonce explicite et précise de l’Evangile, qui nourrisse l’esprit et le cœur: c’est le rôle de la prédication, de la liturgie de la Parole, mais aussi de la catéchèse. Oui, vous avez tous besoin aujourd’hui d’une solide catéchèse, qui approfondisse votre attachement personnel à Jésus-Christ et vous permette de rendre compte de l’espérance qui est en vous. Je sais que votre pastorale consacre beaucoup d’efforts à cette catéchèse, et à la formation des catéchistes. Je vous en félicite. Les familles, les paroisses doivent donner une priorité à cette formation, non seulement des enfants, mais des jeunes, des étudiants, des futurs époux, dans le cadre aussi de la préparation aux sacrements. Enfin je souhaite que vos communautés chrétiennes connaissent la ferveur de la prière et la force de la cohésion fraternelle.

7. Dans cette œuvre, il y a place pour tous les ouvriers de l’évangélisation. Je remercie les prêtres, les frères, les religieuses, les laïcs venus de loin, qui continuent à travailler ici, sous la conduite des évêques congolais: non seulement ils vous apportent encore un soutien précieux, mais ils contribuent à vous relier à l’Eglise universelle, et je suis sûr que cette expérience est bénéfique pour leurs propres Eglises. Ces prêtres forment un seul presbyterium avec les prêtres de ce pays, auxquels je voudrais dire spécialement mon affection et ma confiance. Chers amis, le Seigneur vous a appelés à le servir, dans une consécration totale de votre vie dont le célibat est un des signes, en vous rendant disponibles à tous. Soyez les saints prêtres, les guides spirituels dévoués et compétents dont votre peuple a besoin. C’est une grande grâce! Je souhaite aussi que des vocations sacerdotales et religieuses surgissent nombreuses et s’affermissent dans une solide formation. Je souhaite enfin que beaucoup de laïcs chrétiens apportent aussi leur aide irremplaçable à l’évangélisation, comme catéchistes, et dans un apostolat de personne, de famille à famille, de l’aîné au plus jeune.

8. Je sais que vous poursuivez l’évangélisation dans des conditions qui ne sont pas faciles, avec des moyens souvent pauvres. Vous avez connu de grosses épreuves. Je voudrais affermir votre espérance. Confiez vos besoins au Seigneur, qui est fidèle, et soutenez-vous les uns les autres. Vous savez en qui vous avez mis votre confiance. Avec saint Pierre je vous dis: « Soyez fermes dans la foi, sachant que vos frères répandus dans le monde endurent de semblables épreuves » (cf 1 P 5, 9). Et encore: « Soyez bien unis, pleins de compassion, d’amour fraternel, de miséricorde et d’humilité » [1 P 3, 8]. La puissance de Dieu, elle est en vous, selon votre degré de foi et d’amour, et selon votre cohésion. Oui, que votre unité soit sans faille: c’est votre force.

9. Ainsi serez-vous également, au milieu de vos compatriotes qui ne partagent pas votre foi, des artisans de paix, et même le « sel » et le « levain » dont parle Jésus, pour la vie fraternelle à laquelle ils aspirent. Je l’ai déjà laissé entendre: l’évangélisation entraîne normalement le souci du développement humain et du progrès social. Vous êtes attachés, vous aussi, à l’indépendance et à l’honneur de votre nation; vous désirez un accroissement des moyens de subsistance, un ordre juste pour tous, une vie paisible. Vous voulez servir votre pays. Vous avez le souci des pauvres. Et vous savez qu’une civilisation sans âme n’apporterait pas le bonheur. Vous êtes prêts à consacrer à cette œuvre votre travail et votre honnêteté, dans le respect de tous, en bannissant la haine, la violence et le mensonge. Les responsables du bien commun ne peuvent pas ignorer que votre contribution chrétienne est bénéfique au pays. Et je ne doute pas qu’ils continueront à vous accorder la juste liberté religieuse qui vous est reconnue et la possibilité de travailler, en bons citoyens, à l’essor de la nation. Que Dieu bénisse le Congo!

10. Enfin, chers amis, je pense à votre insertion dans l’Eglise universelle. C’est un beau et grand mystère. L’arbre de l’Eglise, planté par Jésus en Terre Sainte, n’a cessé de se développer. Tous les pays du vieil Empire romain ont été greffés dessus. Ma propre patrie, la Pologne, a connu son heure d’évangélisation, et l’Eglise de Pologne s’est greffée sur l’arbre de l’Eglise, pour lui faire produire de nouveaux fruits. Et voilà que votre communauté de croyants congolais a été à son tour greffée sur l’arbre de l’Eglise. Le greffon vit de la sève qui circule dans l’arbre; il ne peut survivre qu’étroitement uni à l’arbre. Mais dès qu’il est greffé, il apporte à l’arbre son patrimoine et produit des fruits qui sont les siens. Ce n’est qu’une comparaison. L’Eglise fait vivre de sa vie les nouveaux peuples qui sont venus à elle. Aucune communauté nouvelle greffée sur l’arbre de l’Eglise ne peut vivre sa vie de manière indépendante. Elle ne vit qu’en participant au grand courant vital qui fait vivre tout l’arbre. L’Eglise en reçoit alors de nouveaux trésors de vitalité et peut ainsi manifester dans le monde une plus grande variété de fruits. Tels sont mes vœux pour l’Eglise qui est au Congo. Que s’affermisse son attachement à l’Eglise universelle et au Successeur de Pierre qui est le principe et le fondement de l’unité de tous par la volonté de Jésus-Christ, notre Seigneur! Que croissent sa propre vitalité, son unité et sa sainteté! Et qu’elle en fasse bénéficier l’Eglise! Au souffle de l’Esprit Saint! Avec Marie, l’Etoile de l’Evangélisation! Amen! Alleluia!"

Discours du Pape Jean-Paul II au départ de Brazzaville
lundi 5 mai 1980 - en espagnol, français, italien & portugais

"Chers Congolais,
Il est temps malheureusement de vous quitter. Il me faut aller aussi en d’autres régions où l’on attend ma venue, et poursuivre cette visite pastorale qui s’est si bien déroulée avec vous. Vous étiez heureux de me voir. Je puis vous dire que ma joie était plus grande encore. J’aurais aimé serrer toutes vos mains, vous bénir tous, avoir pour chacun, surtout pour les enfants, pour les malades, pour les pauvres, un mot de réconfort et d’encouragement. Il aurait fallu rester trop longtemps, et je n’ai pas le droit d’abuser de votre hospitalité, même si vous l’avez offerte de bon cœur.

Cette hospitalité, je la dois également, et en particulier, à votre Président et à tous les responsables de l’État. Vous voudrez bien que je leur dise, devant vous, combien je leur en suis reconnaissant.

Et vous me permettrez de leur présenter, puisqu’ils ont la lourde charge de guider le pays, mes vœux très sincères pour son avenir, dans la justice, la paix et la prospérité de tous.

Un merci fervent encore à vous, mes frères évêques et prêtres, et à tous les catholiques congolais.

J’ai vu votre foi, votre courage, votre zèle apostolique. Je vous ai entendu chanter votre amour du Christ et de sa mère, la très Sainte Vierge Marie. Je vous ai vu prier, et j’ai prié avec vous et pour vous. Nous avons fait mémoire ensemble des pasteurs défunts de ces diocèses, dont le ministère reste un exemple pour tous. En particulier, nous avons prié ensemble sur la tombe du regretté Cardinal Biayenda, pasteur fidèle et grand serviteur de son pays. Continuez, progressez toujours sur le chemin qui mène vers Dieu. Je vous laisse aujourd’hui un peu de moi-même et j’emporte avec moi toute votre générosité, votre ardeur, et les preuves de votre profond attachement à l’Église.

Adieu, terre congolaise! Puisses-tu porter des fruits qui demeurent, et donner à l’Église et au monde le témoignage de ta vitalité!"