Bookmark and Share

St John Paul II's 1st Pilgrimage to Côte d'Ivoire

10th - 12th May 1980

Pope St John Paul II was a pilgrim to Côte-d'Ivoire for the first time in 1980, on the last leg of his 5th apostolic voyage during which he had also visited Zaire (now Congo DRC), Congo, Kenya, Ghana & Upper Volta (now Burkina Faso). Pape St Jean Paul II returned to the Ivory Coast twice: in 1985 & 1990.

Saturday 10th May - JPII was welcomed to Abidjan, where he met with the President before celebrating Mass.
Sunday 11th May - after praying the Regina Caeli, the Holy Father blessed the first stones for the new Cathedral of Abidjan. He then spoke with the Religious and lay people gathered in Abidjan before speaking with Bishops & then those working & studying at CIWA. JPII met with the bishops of Côte d’Ivoire before celebrating Mass with students.
Monday 12th May - St John Paul II visited Adzopé Leprosarium before bidding farewell to Africa from Abidjan.

Discours du Pape St Jean-Paul II lors de la cérémonie d'accueil à Abidjan
samedi 10 mai 1980 - also in Italian, Portuguese & Spanish

"Monsieur le Président, Excellences, chers Frères et Sœurs de Côte d’Ivoire,
Que Dieu bénisse la Côte d’Ivoire! En abordant votre terre, je vous dis ma joie, ma très grande joie, de visiter ce pays. J’attendais ce moment. L’occasion m’en est donnée. Dieu soit loué! C’est par la Côte d’Ivoire que je vais achever mon premier voyage en Afrique.

Je ne peux y passer que deux journées, et en dehors de la capitale, mes rencontres seront rares et brèves. Mais je voudrais dès maintenant assurer tous les Ivoiriens et toutes les Ivoiriennes des villes et des villages, de mon estime, de mon affection, de mes vœux les plus cordiaux.

Et tout d’abord, je remercie les Autorités de ce pays, le Chef de l’État et la hiérarchie catholique, de leur invitation empressée et de leur dévouement pour organiser au mieux ce séjour. Et vous tous, je vous remercie déjà de la chaleur de votre accueil qui me touche profondément.

Je salue avec joie ce pays, plein de promesses, au cœur de l’Afrique de l’Ouest. Je sais que ses citoyens son accueillants, tolérants, respectueux de la vie humaine et de la liberté. Et lorsque aujourd’hui ils prennent largement contact avec d’autres civilisations, qui les séduisent par leur progrès technique, ils portent en eux beaucoup de valeurs humains traditionnelles qu’ils ont cultivées sur leur propre sol, à partir de leurs traditions et, dans une certaine mesure, depuis un siècle, à partir aussi de l’Évangile.

Je salue en effet mes frères et fils catholiques, puisque je suis venu avant tout en Pasteur de l’Église universelle. Ils forment ici une communauté importante par son nombre, et plus encore peut-être par son dynamisme. Je salue ses neuf évêques ivoiriens, ses prêtres - j’aurai la joie de concélébrer tout à l’heure avec les plus jeunes ordonnés -, ses religieuses, tous ses fidèles. Et je me garderai bien d’oublier les nombreux missionnaires qui, surtout depuis mil huit cent quatre-vingt-quinze, ont accompli une œuvre admirable dans ce pays, par amour du Christ et des Ivoiriens, et qui la poursuivent au service de leurs frères, dans une collaboration heureuse et fructueuse.

Je salue les autres chrétiens et les autres croyants: ils savent comme nous que le sens de Dieu est inséparable du cœur humain.

Au plan civil, je salue tous les responsables du bien commun et les experts de tout ordre, y compris les étrangers qui apportent leur concours: ils ont entrepris d’accélérer le développement du pays, de toutes ses ressources, et en même temps de donner à sa jeunesse une instruction adéquate. Je souhaite que cette œuvre tourne au progrès humain complet, non seulement technique, mais moral et spirituel de l’ensemble des habitants.

Je salue tous les travailleurs de ce pays, ruraux et citadins, et j’ai une pensée particulière pour les nombreux migrants des pays voisins, venus s’adjoindre aux travailleurs ivoiriens.

Je salue spécialement les jeunes et les étudiants, auxquels je consacrerai une longue rencontre.

Ma pensée et ma prière s’en vont vers toutes les familles de ce pays, et spécialement là où se trouvent des gens qui souffrent: malades, handicapés, vieillards, tous ceux qui connaissent la détresse physique ou morale. Ils ont toujours une place spéciale dans mon affection. Je prendrai contact avec ceux qui sont particulièrement éprouvés par la lèpre.

Je viens en effet ici en messager de paix. Le Christ, que je sers comme successeur de son premier Apôtre, a béni les artisans de paix. Je viens recevoir le témoignage de tout ce qui se fait de beau et de fraternel dans ce pays et dans cette Église. Je viens l’encourager, et si possible apporter l’élan qui vient de notre foi, afin que soit édifiée une civilisation digne des hommes, qui sont des fils de Dieu. L’unité de tous, tel sera le thème de la messe qui nous réunira ce soir.

Que Dieu vous bénisse, qu’il vous récompense d’accueillir ainsi le Pape! Qu’il bénisse toute la Côte d’Ivoire!"

Discours du Pape St Jean-Paul II au Président de Côte d’Ivoire
Abidjan, 10 mai 1980 - also in Italian, Portuguese & Spanish

"Monsieur le Président,
1. Le 2 février dernier, recevant les membres des communautés des différentes nations africaines résidant à Rome, qui m’étaient présentés par l’Ambassadeur de Côte d’Ivoire, j’avais la joie de leur annoncer un prochain voyage pour “honorer et encourager l’ensemble de l’Afrique”. Le Seigneur a permis la réalisation d’un vœu très cher. Et voici que s’achève ce périple par l’étape ivoirienne, proposée avec beaucoup de courtoisie par Votre Excellence en même temps que par mes frères les évêques.

En cet instant mémorable, devant le Peuple Ivoirien présent ici par l’intermédiaire de ceux auxquels il a donné mandat de le guider, je veux exprimer ma profonde reconnaissance pour l’accueil si chaleureux et si amical qui m’est fait.

La solennité, la parfaite organisation n’excluent pas la simplicité ni la spontanéité. Laissez-moi, par conséquent, ouvrir avant tout mon cœur à la population de ce pays, que vous m’offrez le bonheur de visiter. Je la salue avec affection. Comment se sentirait-elle d’une façon quelconque loin du Pape, quand bien même celui-ci ne pourra se rendre dans chaque département, dans chaque bourgade, dans chaque famille pour y porter ses paroles de bénédiction? Oui, je désire vraiment saluer toutes les Ivoiriennes et tous les Ivoiriens. Quelques-uns, chrétiens, sont déjà allés à Rome, afin d’y prier sur les tombes de Pierre et de Paul. D’autres, qui ne partagent pas la même foi, ont eu aussi l’occasion de se rendre au centre de la chrétienté. Je viens en ces jours accomplir mon propre pèlerinage en terre africaine, sanctifiée depuis longtemps par la prédication de la Parole de Dieu.

2. Votre Excellence me permettra de lui dire mon admiration pour ce Peuple qui, au seuil du troisième millénaire, capable d’assumer lui-même son destin, s’efforce d’allier en une synthèse heureuse et adaptée les possibilités dont l’a pourvu la Providence, le génie traditionnel hérité des ancêtres et le souci du bien commun.

La tâche n’est pas facile, à laquelle s’attellent avec ténacité les dirigeants de la République. Il s’agit de créer un ensemble ordonné, où l’on ne renie rien de ce que le passé a su produire de meilleur, tout en puisant dans la modernité ce qui peut contribuer à élever l’homme, sa dignité, son honneur. Hors de cela, il n’y a pas de vrai développement ni de vrai progrès humain ou social. Il n’y a pas non plus de justice. On risquerait de construire une façade, quelque chose de fragile donc, où se vérifieraient de multiples inégalités, sans parler de cette inégalité à l’intérieur même de l’homme, lequel accorderait plus de prix à la recherche du superficiel qui se voit, qu’à celle de l’essentiel qui fait sa force cachée.

Le danger est grand, en effet, de vouloir simplement copier ou importer ce qui se fait ailleurs, pour la seule raison que cela vient de pays dit “avancés”: mais avancés vers quoi? A quel titre sont-ils avancés? L’Afrique n’a-t-elle pas aussi, davantage peut-être que d’autres continents autrefois ses tuteurs, le sens des choses intérieures appelées à déterminer la vie de l’homme? Comme j’aimerais contribuer à la défendre des invasions de tout genre, des visions sur l’homme et sur la société qui sont partielles ou matérialistes, et qui menacent la route de l’Afrique vers un développement vraiment humain et africain!

Abordant cette question, le Concile Vatican II en mesurait toute la complexité. Il notait en effet que “un très grand nombre de nos contemporains ont beaucoup de mal à discerner les valeurs permanentes; en même temps, ils ne savent comment les harmoniser avec les découvertes récentes. Une inquiétude les saisit, et ils s’interrogent avec un mélange d’espoir et d’angoisse sur l’évolution actuelle du monde. Celle-ci jette à l’homme un défi; mieux, elle l’oblige à répondre” [Gaudium et Spes, 4-5].

Un tel problème n’est pas propre à l’Afrique, loin de là. Et pourtant, je ne crois pas me tromper en supposant qu’il nourrit fréquemment les réflexions des hommes d’État de ce grand continent, qu’il est peut-être le problème le plus fondamental qu’ils aient à affronter, eux qui, par leurs choix, par les orientations qu’ils sont amenés à prendre en établissant des plans de développement, jettent les bases du lendemain de leurs peuples respectifs. Il faut de la sagesse, beaucoup de sagesse, de la lucidité aussi pour effectuer les ajustements nécessaires en fonction de l’expérience. La réputation que Votre Excellence s’est acquise en la matière, dans son pays comme à l’échelon international, donne des motifs de confiance pour l’avenir du Peuple Ivoirien.

3. Citant un passage des textes du Concile, j’évoquais il y a un instant les valeurs permanentes qui constituent la véritable richesse de l’homme. La considération de ces valeurs et, si l’on peut utiliser le terme, leur mise en pratique, me paraissent prémunir de tout ce qui à notre époque, est factice ou conséquence de la facilité. Elles seules conduisent l’homme à bâtir sur le roc [cf Mt 7, 24-25].

On pourrait multiplier les exemples tirés de la même Constitution conciliaire, qui a voulu juger à la lumière du dessein de Dieu ce qui est vécu par nos contemporains, et le relier à la source divine. C’est un sujet que j’estime si capital, que j’ai voulu en traiter longuement à New York, devant la XXXIVème Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies.

On peut le résumer en une formule lapidaire: la primauté des valeurs spirituelles et morales, par rapport aux valeurs matérielles ou économiques. “Le primat des valeurs de l’esprit - disais-je alors - définit la signification des biens terrestres et matériels ainsi que la manière de s’en servir...”. Il contribue par ailleurs “à faire que le développement matériel, le développement technique et le développement de la civilisation soient au service de ce qui constitue l’homme, autrement dit qu’ils lui permettent d’accéder pleinement à la vérité, au développement moral, à la possibilité de jouir totalement des biens de la culture dont nous héritons, et à la multiplication de ces biens par notre créativité” [N. 14].

Il nous faut donc continuer à réfléchir et à œuvrer dans cette ligne si nous voulons répondre aux vrais besoins de l’humanité, et particulièrement aux vrais besoins de l’Afrique, qui est en train d’acquérir la dimension qui lui est due à l’échelle de la planète. L’Afrique se cherche encore un peu. Elle a en main les clés de son avenir. Je lui souhaite d’approfondir ce thème fondamental pour que les valeurs spirituelles et morales lui impriment un caractère indélébile, seul digne d’elle-même.

4. L’Église, pour sa part, n’a pas de compétence directe dans le domaine politique ou économique. Elle entend rester fidèle à sa mission spirituelle, et respecter pleinement les responsabilités propres des gouvernants. L’appui moral qu’elle peut offrir à ceux qui ont en charge la cité terrestre s’explique, et se justifie, par la volonté de servir l’homme, en lui rappelant ce qui fait sa grandeur, ou en l’éveillant aux réalités qui transcendent ce monde.

Je me félicite notamment ici du concours qu’elle apporte en Côte d’Ivoire, par sa présence dans les établissements scolaires et dans les milieux intellectuels, à la grande entreprise nationale d’éducation et de formation, qui a su déjà assurer à la population un niveau culturel enviable à plus d’un titre.

Mais son concours voudrait atteindre principalement la conscience de l’homme et de la femme ivoiriens, pour leur montrer leur dignité et les aider à en faire bon usage. Son concours voudrait faciliter également une justice effective, avec un souci plus grand des pauvres, des marginaux, des petits, des migrants, en un mot de ceux qui sont souvent laissés pour compte.

Le sens de Dieu n’est-il pas aussi le sens de l’homme, du prochain? N’implique-t-il pas honnêteté, intégrité des citoyens, volonté de partage avec les moins favorisés, plutôt que course vers l’argent ou les honneurs? Ainsi, en se préoccupant du sort concret des populations, l’Église entend travailler effectivement à la promotion des ivoiriens, et elle espère apporter sa pierre à la construction toujours plus solide de la Patrie Ivoirienne.

5. C’est le succès de l’effort auquel sont invités tous vos compatriotes que je souhaite de tout cœur, Monsieur le Président, en vous remerciant à nouveau de votre bonté, en présentant mes salutations respectueuses à toutes les hautes personnalités qui nous entourent, et en priant avec ferveur pour le Peuple Ivoirien. Dieu fasse que ce séjour soit fécond et réponde aux espoirs que nous y avons placés!"

Homélie du Saint-Père Jean-Paul II à la Sainte Messe
Abidjan, 10 mai 1980 - also in Italian, Portuguese & Spanish

"Chers Frères et Sœurs,
rendons grâces à Dieu, qui nous a appelés à former une seule Eglise, en son Fils Jésus-Christ!

1. Le prophète Ezéchiel annonçait déjà ce grand Mystère, en pensant d’abord aux Israélites de son temps, dispersés parmi les nations. Mais, « par le moyen de l’Eglise », l’appel s’est élargi aux fils de toutes les nations, qu’on appelait païennes. Et nous avons osé, comme dit saint Paul, l’Apôtre des nations, « nous approcher de Dieu en toute confiance », « par le chemin de la foi au Christ », la même foi. Oui, « le seul Dieu et Père de tous » nous rassemble, de toute provenance, avec toutes les richesses de notre propre histoire, dans la famille de l’Eglise. Il répand sur nous une eau pure, « un seul baptême » et nous sommes alors « purifiés de toutes nos souillures ». Il nous donne « un cœur nouveau », un cœur sensible à son amour, « un cœur de chair ». Il met en nous son Esprit, « un seul Esprit ». Il nous permet « de marcher selon sa loi, et de pratiquer ses coutumes ». Et c’est ainsi que dans tout l’univers se construit le même Corps du Christ, avec des membres différents, qui ont reçu chacun leurs qualités, leur part de grâce, leurs fonctions dans l’Eglise.

Cette unité profonde, à travers la variété multiforme des peuples et des races, fait notre joie et notre force. Elle est un don de Dieu, mais nous devons aussi y apporter notre contribution consciente et généreuse, afin de réaliser, dans la maturité, la plénitude du Christ.

Aussi je vous invite, chers Frères et Sœurs, à parcourir avec moi les divers cercles concentriques de cette unité: au niveau du Christ d’abord, au niveau de l’Eglise universelle et de son Pasteur, au niveau de l’Eglise qui est en Côte d’Ivoire et de votre diocèse, au niveau de chacun de vos communautés paroissiales, avec le rayonnement qui en surgit pour l’unité des hommes qui nous entourent.

2. Oui, notre unité n’est pas seulement ni d’abord une unité extérieure, comme celle d’un corps social avec ses structures d’organisation. Elle est un mystère, comme le deuxième Concile du Vatican l’a souligné dès le début de la Constitution Lumen Gentium [cf LG, 4]. Nous formons « un peuple qui tire son unité de l’unité du Père et du Fils et de l’Esprit Saint ».

L’Esprit Saint « habite dans l’Eglise et dans le cœur des fidèles », « il introduit l’Eglise dans la vérité tout entière » et lui « assure l’unité de la communion et du service », « il l’équipe et la dirige grâce à la diversité des dons hiérarchiques et charismatiques »; par la vertu de l’Evangile, il rajeunit l’Eglise et la renouvelle sans cesse, l’acheminant à l’union parfaite avec son Epoux, le Christ [cf LG, 4]. Ainsi l’Esprit Saint déploie dans l’Eglise « l’insondable richesse du Christ », et tourne son aspiration vers le Christ et vers son Père [cf Apoc 22, 17].

Le Christ ressuscité, en effet, vit pour les siècles des siècles, auprès de son Père qui l’a fait Seigneur de l’Univers et Tête de l’Eglise qui est son Corps mystique [cf Phil 2, 11; Col 1, 18]. Par l’Esprit Saint, il communique sa vie à ceux qui lui donnent leur foi, en renaissant de l’eau et de l’Esprit [cf Jn 3, 5], qui se relient à lui par la prière, par les sacrements, par une vie conforme à son amour. C’est lui le Chef invisible de l’Eglise, c’est lui qui la soutient [cf LG, 8], c’est lui le bon Pasteur qui rassemble les enfants de Dieu dispersés et fait d’eux un royaume de prêtres pour son Père [cf Apoc 1, 6].

Cela, vous le savez bien, chers amis, mais je le rappelle pour vous exhorter à vous tourner sans cesse vers le Christ, à le prier encore mieux, en communauté, en famille, et aussi personnellement, à relire sa Parole. Une Eglise n’est vivante, n’est forte que lorsque ses membres ont une vie intérieure, une vie spirituelle, c’est-à-dire une vie reliée à l’Esprit de Dieu, une vie de prière. C’est là le cœur de l’Eglise. C’est là que se noue la communion la plus intime, qui est source de toutes les autres. Votre vie, votre unité est d’abord « cachée avec le Christ, en Dieu » [cf Col 3, 3].

3. Mais cette grâce du Christ vous est parvenue et elle vous est sans cesse donnée par l’Eglise visible, qui est le « Corps » du Christ, le « sacrement » du Christ, le signe qui rend visible et réalise la communion. L’unité se manifeste autour de celui qui, dans chaque diocèse, a été constitué Pasteur, Evêque. Et pour l’ensemble de l’Eglise, elle se manifeste autour de l’Evêque de Rome, le Pape, qui est « le principe perpétuel et visible, et le fondement de l’unité qui lie entre eux, soit les évêques, soit la multitude des fidèles » [LG, 23]. Et voilà que cela se réalise ce soir, sous vos yeux. Quelle grâce pour nous tous!

Chaque évêque de l’Eglise catholique est successeur des Apôtres. Il est relié aux Apôtres par une lignée ininterrompue d’ordinations. Je suis le successeur de l’Apôtre Pierre, au Siège de Rome. Or vous avez entendu, dans l’Evangile, la merveilleuse profession de foi de Pierre: « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ». Et la réponse de Jésus: « Sur cette Pierre, je bâtirai mon Eglise... je te donnerai les clefs du Royaume des cieux » [Jn 16, 16-19]. Et plus tard, le Christ a ajouté: « Affermis tes frères » [Luc 22, 33]; « Sois le pasteur de mes agneaux ... sois le pasteur de mes brebis » [Jn 21, 15-17]. Telle est aussi la foi du Pape, que j’ai professée solennellement en inaugurant mon ministère à Rome; et telle est aussi la mission dont le Seigneur m’a chargé, malgré mon indignité: vous affermir dans la foi et dans l’unité.

Toute Eglise locale, comme celle que vous formez ici, à Abidjan, doit toujours rester solidaire de l’Eglise universelle, et ceci, par le signe visible de la communion avec le successeur de Pierre. Car il n’y a qu’une Eglise de Jésus-Christ, qui est comme un grand arbre, sur lequel vous avez été greffés, comme les chrétiens de Rome, comme les chrétiens de mon pays, de la Pologne. La branche ne saurait demeurer en dehors de l’arbre, ni le sarment en dehors de la vigne. Vous vivez en participant au grand courant vital qui fait vivre tout l’arbre. Mais votre greffe va permettre à l’Eglise de connaître une nouvelle floraison, de nouveaux fruits. Et le Pape s’en réjouit. Il se réjouit du printemps de l’Eglise qui est en Côte d’Ivoire.

4. J’en arrive maintenant à vos communautés diocésaines, d’Abidjan, ou des autres diocèses. Là aussi vos évêques savent la nécessité d’intensifier l’unité qui les lie entre eux, au niveau par exemple de la collaboration pastorale pour tout le pays.

Et dans chaque diocèse, qu’on peut appeler l’« Eglise particulière », une grande unité doit se faire autour de l’évêque qui en est le chef à la façon de l’Evangile, c’est-à-dire le pasteur et le père. Unité de la foi, bien sûr; unité de la prière; unité des sentiments fraternels; unité des efforts pastoraux. Et ceci dans une grande diversité de fonctions indispensables et complémentaires. Vous avez entendu saint Paul parler d’« apôtres », de « prophètes », de « missionnaires de l’Evangile », de « pasteurs », de « docteurs », de « saints » [Eph 4, 11-12] : aujourd’hui, on pourrait développer la liste des ministères, des services, des charismes. Que chaque chrétien sache donc, dans cette Eglise, qu’il est responsable à son niveau, et que l’Eglise manquera de ce qu’il n’aura pas su donner.

5. Ma première pensée va aux prêtres annonciateurs de l’Evangile, dispensateurs des mystères de Dieu, guides spirituels présidant à l’unité, dans leurs diverses charges: curés et vicaires de paroisses, professeurs, aumôniers ... Comme je suis heureux de concélébrer avec les jeunes prêtres, qui ont reçu il y a peu de temps les pouvoirs sacrés par l’imposition des mains! Comme je souhaite que beaucoup d’Ivoiriens entendent le même appel! La moisson est grande! Oh, vous tous, mes Frères, soutenez les vocations sacerdotales, afin que votre Eglise ne manque plus de prêtres, de saints prêtres. C’est sur eux que devra s’appuyer l’Eglise de demain. Mais les missionnaires venus de loin ont encore, eux aussi, un grand rôle dans ce pays, un rôle actuellement indispensable, pour le service très apprécié qu’ils rendent et comme témoins de l’Eglise universelle, ils sont à part entière de votre Eglise. Tous les prêtres sont appelés à former un même presbyterium autour de l’évêque, dans l’humilité et le soutien fraternel. Il y aurait place aussi pour le ministère des diacres aux côtés des prêtres.

D’autre part, quelle chance aussi de bénéficier de l’exemple et de l’aide d’autres âmes consacrées, religieux et religieuses, indigènes ou missionnaires, qui suscitent tant de confiance chez le peuple, parce que la chasteté, la pauvreté et l’obéissance en font des témoins hors pair de l’amour du Christ et de son Evangile, pleinement disponibles à tous.

Que les catéchistes, bien formés, continuent leur rôle éducateur de la foi, et que les animateurs des petites communautés de quartiers sachent que sans eux, il manquerait un relai important. Je pense encore à la responsabilité des pères et mères de famille: chaque foyer chrétien n’est-il pas comme un « sanctuaire de l’Eglise à la maison » [Apostolicam Actuositatem, 11]? Et je me permets de souligner ici le rôle particulier des mères: la femme est celle qui a la mission merveilleuse de donner la vie, de porter la vie naissante, et, en Afrique, elle continue longtemps à porter son enfant avec tant de tendresse, et à le nourrir avec tant de dévouement! Qu’elle n’oublie pas non plus d’ouvrir le cœur de ses enfants à la tendresse de Dieu, à la vie du Christ: c’est une éducation initiale qui ne peut que difficilement être suppléée. Il y a encore bien d’autres services dans la communauté chrétienne: des services d’entraide sanitaire et sociale. Et les jeunes y ont aussi leur part.

6. Mais comment maintenir l’unité de prière, l’unité de charité, l’unité pastorale entre tous? C’est le rôle privilégié de la paroisse, avec son église et son équipe de pasteurs, en lien avec les responsables religieux et laïcs. La paroisse doit être accueillante à tous: il n’y a pas de véritables « étrangers » dans une famille de chrétiens! Je pense en particulier aux travailleurs migrants ou aux experts des autres pays qui doivent recevoir et apporter leur part de vie chrétienne. Un seul Corps, un seul Esprit, comme disait saint Paul.

7. Chers amis, l’unité ne s’arrête pas encore là. Nous désirons encore la promouvoir avec tous ceux qui, sans professer intégralement notre foi catholique ou sans garder la communion sous le successeur de Pierre, ont été baptisés et portent le beau nom de chrétiens: l’Esprit Saint suscite en tous les disciples du Christ le désir et l’action qui tendent à l’unité telle que le Christ l’a voulue, dans la vérité et la charité [cf LG, 15]. Et le dessein de salut enveloppe avec nous aussi ceux qui adorent le Dieu unique ou ceux qui, sans bien le connaître dans les ombres et sous des images, cherchent Dieu d’un cœur sincère [cf LG, 16]. Aussi, tout en témoignant de notre propre foi, nous sommes animés envers tous de sentiments d’estime et de dialogue fraternel.

8. Enfin, les disciples du Christ, les communautés chrétiennes doivent être des ferments d’unité, des artisans de rapprochement fraternel, pour tous les habitants de ce pays, africains ou non africains. La Côte d’Ivoire et sa capitale connaissent une évolution sociale rapide, où la concentration urbaine, le déracinement familial, la recherche de toit et du travail, mais aussi, pour certains, les possibilités insoupçonnées de réussite technique, d’enrichissement rapide, avec les tentations de profit personnel et parfois investi ailleurs, d’exploitation de l’homme, du petit, du travailleur ivoirien ou migrant, oui, tout cela risque, comme hélas en d’autres pays dits « avancés », de mettre à l’épreuve la solidarité, la justice, l’espérance des humbles, la paix et aussi le sentiment religieux. Il faut éviter à tout prix, je le dis par amour pour vous, par amour de ce pays et de ses responsables, que la chance offerte aujourd’hui à la Côte d’Ivoire et à ses travailleurs par le développement ne soit manquée, que ne s’agrandisse dangereusement le fossé entre riches et pauvres, comme s’accroît le fossé entre pays riches et pays pauvres, que la civilisation ne se matérialise. Dans ces conditions, le souci des pauvres, les laissés pour compte, le sens du bien commun de tous et de l’équité doivent habiter spécialement le cœur des chrétiens. Heureux chrétiens, heureuses communautés chrétiennes, si les autres hommes de bonne volonté trouvent chez eux un exemple d’unité et une source de fraternité. Le récent Concile n’hésitait pas à dire: « L’unité catholique du peuple de Dieu préfigure et promeut la pax universelle » [LG, 13].

Voilà, chers Frères et Sœurs, à tous les échelons, de Rome à votre village ou à votre quartier, le dynamisme d’unité de notre Eglise. Comme Vicaire du Christ, je suis heureux d’être au milieu de vous pour affermir cette espérance. Le projet est splendide. Le chemin sera long et difficile; il suppose des sacrifices: Jésus nous a prévenus dans l’Evangile. Mais sa grâce est à l’œuvre parmi vous, son Esprit est en vous. Et comme la Vierge Marie s’y prêta merveilleusement, elle qui conçut le Christ de l’Esprit Saint et qui est aussi Mère de l’Eglise, nous la prierons spécialement d’y disposer nos cœurs. Maintenant, cette Eucharistie va rendre présent le Sacrifice du Christ, qui a renversé les barrières de séparation [cf Eph 2, 14], pour unir tous les enfants de Dieu et leur donner accès, ensemble, au Dieu d’amour.

Seigneur, fortifie l’unité de ton Eglise.
Amen. Alleluia!"

Paroles du Pape St Jean-Paul II au Regina Caeli à Abidjan
VI Dimanche de Pâques, 11 mai 1980 - also in Italian, Portuguese & Spanish

"Chers Frères et Sœurs dans le Christ, qui m’entendez directement ou sur les ondes de la radio,
C’est l’heure d’honorer la Vierge Marie par la récitation du “Regina caeli!”. Je voudrais que cette louange mariale soit pour vous comme pour moi un merci très fervent à Celle que l’Eglise vénère depuis sa fondation comme la très sainte Mère du Christ Rédempteur, à Celle que l’Eglise - Corps Mystique de Jésus - considère aussi comme sa Mère.

Pendant dix jours, j’ai été le témoin émerveillé et souvent bouleversé de la vitalité des jeunes Eglises d’Afrique! La promesse du Christ: “Je serai avec vous jusqu’à la fin des siècles” est revenue sans cesse à mon esprit au cours de mes visites pastorales!

J’invite toute l’Eglise, et particulièrement les Eglises de vieille chrétienté, à regarder leurs jeunes Eglises-sœurs avec estime et confiance, dans un dialogue fructueux. La faim de la Parole de Dieu, la spontanéité de la prière, du sens religieux, la joie et la fierté d’appartenir à l’Eglise, l’accueil hospitalier, le sens de responsabilité des évêques et des prêtres, la générosité des religieuses, l’ardeur apostolique des catéchistes, la solidarité des communautés chrétiennes, l’entraide fraternelle, courageuse et désintéréssée que continuent d’apporter prêtres, religieuses et laïcs venus d’autres Eglises, et bien d’autres signes encourageants, nous invitent à rendre grâce à Dieu et peuvent stimuler notre zèle, notre foi, notre charité. Ces Eglises ont été branchées sur l’Eglise universelle par des pionniers missionnaires animés d’une grande foi; elles donnent maintenant leurs propres fruits, qui ont la sauveur de l’Afrique et l’authenticité du christianisme; et elles font bénéficier les autres de leur témoignage. Elles ont aussi besoin d’une entraide fraternelle pour faire face à leurs immenses besoins humains et spirituels. Puissent ces échanges se poursuivre dans l’esprit de communion qui caractérise l’Eglise.

Dans la joie pascale, contemplons la Vierge Marie auprès de son Fils glorifié, et prions-la les uns pour les autres.

Qu’elle veille sur ces Èglises que nous lui confions! Qu’elle leur obtienne sans cesse les lumières et la force de l’Esprit Saint!"

Bénédiction de St JPII des premières pierres de la Cathédrale d'Abidjan
dimanche 11 mai 1980 - also in Italian, Portuguese & Spanish

"1. Je remercie de ses belles paroles Monseigneur Bernard Yago, mon cher frère dans l’épiscopat, et je m’unis à sa joie pour cette cérémonie liturgique. Comment, en effet, chers frères et sœurs qui m’écoutez, ne pas laisser éclater notre joie devant la réalité spirituelle ainsi manifestée, et en rappeler un instant avec vous la profonde signification? Je vais bénir les premières pierres de la future cathédrale d’Abidjan et d’une église qui sera dédiée à Notre-Dame d’Afrique.

Or l’Église est la maison de Dieu. Oui, toute la vie chrétienne est fondée sur cette réalité surnaturelle merveilleuse, toujours à approfondir, toujours à méditer, que saint Jean a exprimée en cette simple phrase: “Le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous” [Jn 1, 14]. Oui, le Seigneur est né, a souffert, est mort et est ressuscité pour que le chrétien soit réellement fils de Dieu.

Cette vérité surnaturelle doit déterminer la vie du chrétien toujours et partout. Comment? Je reprends ici encore l’enseignement de la première lettre de saint Pierre: “Comme des pierres vivantes, devenez une maison spirituelle” [1 Pet 2, 5]. L’Église, la Jérusalem nouvelle dont parlent l’Écriture et la liturgie, se construit dans nos vies, au-dedans de nous!

2. Et pourtant, l’Église, la maison de Dieu, n’est pas seulement spirituelle. L’enracinement humain de nos communautés catholiques, tel qu’il se manifeste et s’exprime dans la construction des églises, et en particulier de cette cathédrale, dépend étroitement de l’Incarnation, de cette venue de Dieu dans notre humanité, du fait que Dieu s’est fait semblable à nous et qu’il a voulu nous rencontrer à travers nos manières concrètes de vivre!

L’église est le lieu dans lequel le peuple chrétien se rassemble, elle est aussi le lieu où le Seigneur est réellement présent: dans la célébration de la sainte messe; présent dans le Saint-Sacrement.

L’église est le lieu où le chrétien naît à la vie divine par le baptême, trouve le pardon de ses fautes par le sacrement de la réconciliation, entre en communion avec le Seigneur et avec ses frères dans l’Eucharistie.

Aussi humbles que soient les églises que vous construisez, voyez combien est grande la réalité spirituelle qu’elles manifestent! Elles sont le signe de la construction du royaume de Dieu en vous, dans votre pays! Et parmi toutes les églises d’un diocèse, la cathédrale, votre cathédrale qui bientôt s’élèvera ici, a un sens tout particulier. De même que la basilique Saint-Jean de Latran, cathédrale du Pape, de l’évêque de Rome, est appelée pour cette raison “Tête et Mère de toutes les églises”, ainsi la cathédrale du diocèse est appelée “mère des églises” du diocèse: c’est parce qu’elle est l’église de l’évêque, du chef du diocèse, du successeur des Apôtres auxquels le Christ a confié la charge et le souci de l’évangélisation. Vous aimerez donc cette nouvelle cathédrale, qui demeurera dédiée à saint Paul, l’Apôtre missionnaire par excellence! Aimez aussi toutes vos églises! Aimez vos évêques et tous les prêtres qui vous font naître et grandir dans la vie divine!

3. Ce n’est pas sans peine ni sans efforts que le royaume de Dieu grandit en nous! Ce n’est par sans peine, non plus, qu’on bâtit les églises. Je sais combien vous y tenez, malgré les urgences de toutes sortes, et quels sacrifices vous faites pour les construire. Ceux qui s’étonnent que l’on bâtisse des églises au lieu de consacrer toutes les ressources à l’amélioration de la vie matérielle ont perdu le sens des réalités spirituelles; ils ne comprennent pas le sens de la parole du Seigneur: “L’homme ne vit pas seulement de pain” [cf Mt 4, 4]. Mais nous savons bien que l’église de pierre que l’on construit péniblement est le signe de celle qui s’édifie dans la communauté!

Je suis particulièrement heureux de bénir aussi, en même temps que la première pierre de votre future cathédrale, la première pierre de l’église qui sera bâtie sous le patronage de Notre-Dame d’Afrique.

Rencontre profondément éclairante! D’un côté, l’Apôtre des Nations, qui n’a vécu que pour annoncer l’évangile, et de l’autre la Vierge Marie, qui conservait dans son cœur les mystères de la vie de son Fils, et qui demeure, dans tous les siècles et pour toute l’Église, comme nous en ferons encore mémoire dans quelques jours, l’exemple de la prière ardente dans l’attente de la venue de l’Esprit Saint.

Ce n’est donc point sans des raisons spirituelles très profondes que les premiers missionnaires qui sont venus dans vos pays consacraient dès leur arrivée le champ de leur apostolat au Cœur Immaculé de Marie. Ce Cœur est en effet le symbole de la proximité divine, de l’amour de Dieu pour notre pauvre humanité et de l’amour qu’elle peut lui rendre par la fidélité à sa grâce. La dévotion de ces missionnaires à la Vierge, leur confiance en elle, étaient donc étroitement liées à l’accomplissement de leur mission apostolique: faire connaître et aimer le Christ, “né de la Vierge Marie”.

C’est pourquoi, frères vénérés, chers fils et chères filles, j’éprouve une joie spirituelle profonde à renouveler en quelque sorte, parmi vous et en votre nom, le geste de ceux qui étaient venus, le cœur plein d’amour pour Dieu et pour leurs frères d’Afrique, apporter l’Évangile du salut. En confiant l’Afrique à la Vierge Immaculée, nous la mettons sous la protection de la Mère du Sauveur. Comment notre espérance pourrait-elle être déçue? Comment, lorsque vous l’invoquerez avec ferveur dans cette église et dans toutes celles de vos pays, ne vous conduirait-elle pas vers son divin Fils, vers la plénitude de son amour?

Que le Seigneur vous bénisse! Qu’il bénisse tous les constructeurs de l’Église, spirituelle et matérielle! Qu’il bénisse votre pays, la Côte d’Ivoire! Qu’il bénisse tous ceux qui cherchent son progrès spirituel et matériel! Qu’il donne sa grâce et sa paix à tous ceux qui le cherchent et qui viendront le rencontrer dans ces édifices sacrés! Amen."

Discours de St JPII aux Religieux & aux Laïcs
Abidjan, dimanche 11 mai 1980 - also in Italian, Portuguese & Spanish

"Chers Frères et Sœurs dans le Christ,
Votre magnifique rassemblement me permet, une fois de plus, de mesurer la vitalité de l’Église qui est en Côte d’Ivoire. Merci d’être venus si nombreux et si désireux d’avancer sur les chemins du Royaume de Dieu et d’aider les autres à s’en approcher!

A tous, j’adresse le même encouragement pressant et confiant: soyez ce que vous devez être, au regard du Seigneur qui vous a appelés, et aux yeux du monde qui a besoin de votre témoignage évangélique! Et cela, dans la vocation qui est propre à chacun. C’est une question de fidélité au Seigneur, de loyauté avec vous-mêmes, de respect des autres, de solidarité ecclésiale.

Vous avez beaucoup donné à l’Église et à votre pays. Donnez-leur toujours davantage."


Aux Prêtres

"A vous, chers fils qui avez reçu la grâce incomparable de l’ordination sacerdotale, j’exprime d’abord mon profond bonheur de savoir que vous vivez dans l’unité entre vous, que vous soyez issus du peuple ivoirien ou venus d’autres pays, et en confiante collaboration avec vos évêques. Que le cri du cœur du Christ “Qu’ils soient un” brûle toujours votre propre cœur! La crédibilité de l’Évangile et l’efficacité du labeur apostolique dépendent en grande partie de l’unité des pasteurs, appelés à former un seul presbyterium, quels que soient le poste et les responsabilités de chacun.

En cet instant aussi émouvant pour moi que pour vous, je voudrais par-dessus tout renforcer en vous une conviction absolument essentielle: le Christ vous a saisis et vous a spécialement conformés à Lui par le caractère sacerdotal, pour servir l’Église et les hommes d’aujourd’hui en y consacrant toutes vos forces physiques et spirituelles. Le mystère du sacerdoce n’est pas déterminé par les analyses sociologiques, d’où qu’elles viennent. C’est en Église, avec les responsables de l’Église, qu’il est possible d’approfondir et de vivre ce don du Seigneur Jésus. Je vous en supplie: ayez foi en votre sacerdoce!

Je m’empresse d’ajouter un autre encouragement, capital lui aussi. Que le Christ soit comme la respiration de votre vie quotidienne! Votre fidélité de tous les jours et votre rayonnement sont à ce prix. Développez encore votre fraternité entre prêtres, dans vos équipes paroissiales, vos rencontres de réflexion et de concertation apostoliques, et plus encore vos temps de prière et de retraite. Ces deux dimensions, avec le Seigneur et entre vous, seront le rempart de votre célibat sacerdotal et la garantie de sa fécondité. Vivez ce renoncement évangélique à la paternité charnelle dans la perspective constante de la paternité spirituelle qui comble le cœur des prêtres totalement donnés à leur peuple. Vivez ces exigences et ces joies dans l’esprit des apôtres de tous les temps."


Aux Religieux et Religieuses

"Je suis particulièrement heureux de pouvoir vous exprimer de vive voix mon affection et la grande espérance que je mets dans le témoignage de votre vie évangélique.

A vous, moines et moniales qui vivez le mystère du Christ adorant le Père au nom de l’humanité, je souhaite vivement que l’année de saint Benoît, proposée à toute l’Église, stimule votre ferveur, favorise le rayonnement de vos monastères, suscite de nouvelles et solides vocations contemplatives.

Aux Frères et Sœurs qui collaborent de toute leur âme aux tâches directes de l’évangélisation, j’exprime mon admiration et ma reconnaissance qui est aussi celle de l’Église. Que de centres paroissiaux, de collèges catholiques, de maisons de formation professionnelle ou ménagère, d’aumôneries de lycées, de foyers de jeunes, de dispensaires, de lieux d’accueil pour les migrants, bénéficient de vos talents et du trésor de votre foi et de votre charité!

Par vous, chers Frères et chères Sœurs, le Christ sillonne aujourd’hui les villes et les villages d’Afrique et annonce la Bonne Nouvelle à leurs habitants. Une telle mission requiert une union très intime avec le Seigneur, alimentée régulièrement dans des temps forts de silence et de prière. Une telle mission requiert également que, dans la diversité légitime des familles spirituelles auxquelles vous appartenez, vous demeuriez très unis et très coopérants pour la crédibilité de l’Évangile. Ce véritable dynamisme spirituel et cette concertation apostolique réaliste peuvent certainement éveiller chez les jeunes l’appel que vous avez vous-mêmes entendu: “Viens, et suis-moi”.

Enfin, souvenez-vous sans cesse que le fondement de votre unité, c’est le Christ en personne. Tous et toutes, vous lui avez volontairement donné la maîtrise et l’usage de tout ce que vous êtes, de tout ce que vous avez, pour signifier qu’il est la fin ultime, la plénitude de toute créature humaine, et pour témoigner de cela à travers vos multiples activités.

Votre vie religieuse est en un mot le mystère du Christ en vous et le mystère de votre pauvre vie en Lui. C’est cela qui doit être de plus en plus transparent. Les communautés chrétiennes ont tellement besoin de votre témoignage! Et le monde, même peu croyant, attend confusément de vous un idéal de vie. Ainsi vos trois vœux religieux ne sont pas des leçons données aux autres, mais des signes susceptibles de les ouvrir aux valeurs qui ne passent pas. Que votre pauvreté soit aussi un partage avec les plus pauvres! Que votre obéissance soit un appel à la décentration de soi, à l’humilité! Que votre chasteté, vécue dans la plus grande fidélité, soit une révélation de l’amour universel, de la tendresse même de Dieu! "


Aux Laïcs

"A vous, chers laïcs chrétiens, j’exprime ma confiance et ma reconnaissance pour tout ce que vous avez fait et ce que vous ferez encore - avec l’épiscopat et le clergé de Côte d’Ivoire - au plan de l’évangélisation. Vous vivez aujourd’hui, dans vos villes et vos villages, ce que vivaient les premières communautés chrétiennes, d’après les Actes des Apôtres et les épîtres de saint Paul, qui nous parlent de tant de laïcs chrétiens au service de l’Évangile.

Vous savez tous également que le récent Concile Vatican II a mis en relief les ressources que tout laïc tient du fait qu’il est inséré dans le Corps du Christ qu’est l’Église, par son baptême et sa confirmation. L’heure est venue de conjuguer toujours davantage toutes les forces du peuple de Dieu, autour des Pasteurs que l’Esprit Saint vous a donnés.

Je me réjouis vivement de l’excellent travail des laïcs catéchistes comme de l’existence des mouvements d’apostolat, offerts aux jeunes et aux adultes, pour leur formation et le soutien de leurs engagements chrétiens. Je souhaite que ces mouvements soient toujours adaptés, toujours florissants. Je voudrais raviver votre flamme apostolique en vous encourageant sur trois points qui me semblent très importants. Évangélisez votre propre vie, soyez toujours en état de conversion, si vous voulez vraiment participer à l’évangélisation du monde; les autres ont besoin de votre expérience de vie chrétienne. Ménagez-vous des temps de retraite et de révision de vie.

Demeurez très attentifs à ceux qui vous entourent, par charité et toujours avec respect. Dans vos paroisses qui demeurent les centres vitaux de votre vie chrétienne, dans vos petites communautés de quartier, dans vos milieux scolaires ou professionnels, laissez rentrer dans vos esprits et vos cœurs les problèmes, les souffrances, les projets, les joies de ceux et celles qui ont besoin de se confier à vous, de trouver près de vous un appui moral et spirituel.

Dans vos rencontres entre membres des mouvements d’apostolat, vérifiez votre fidélité commune au Seigneur qui vous a appelés à travailler au salut de vos frères. Regardez bien en face les situations concrètes que vivent les gens de votre quartier, de votre région, de votre pays, en tout ce qu’elles ont de positif, et, hélas, en ce qu’elles ont de déshumanisant. Tous ensemble précisément, discernez avec sagesse l’action à entreprendre ou à poursuivre, au niveau religieux et au niveau humain, pour l’évangélisation des Africains et pour la promotion intégrale de leurs personnes dans le respect des valeurs culturelles de l’Afrique.

Courage et confiance! La lumière et la force de l’Esprit de Pentecôte ont toujours été abondamment donnés aux intrépides ouvriers de l’Évangile."

Salut de Jean-Paul II aux Évêques
L'Institut Catholique pour L'Afrique Occidentale, Abidjan, dimanche 11 mai 1980 - also in Italian, Portuguese & Spanish

"Chers frères dans l’épiscopat,
Ma joie est grande de vous rencontrer ici, dans cet Institut catholique pour l’Afrique occidentale, qui témoigne hautement de la collaboration efficace des épiscopats de la région tout entière.

Trop rapide, comme toutes mes visites, hélas, mon bref passage ici me donne cependant, et me laissera une impression de plus réconfortantes. Un travail sérieux se fait ici, je le sais. J’encourage vivement tous les évêques dont dépend cet Institut à continuer à être pleins de sollicitude pour lui assurer le meilleur recrutement, afin que son avenir soit aussi fructueux que le présent permet de l’espérer.

Dans un instant, je vais bénir la première pierre du bâtiment qui abritera le Secrétariat de la Conférence épiscopale régionale de l’Afrique de l’Ouest francophone. Là aussi, c’est un nouveau symbole de votre volonté de travailler ensemble, dans un souci d’efficacité, et pour mieux témoigner de l’esprit d’unité qui vous anime.

Et à vous tous, chers frères, qui avez fait souvent un long voyage pour venir me saluer à mon passage en Afrique, en Côte d’Ivoire, merci de votre présence. Merci du soutien que vous êtes venus m’apporter dans ces visites pastorales. Ma joie est grande, je le redis, de me voir ainsi accueilli et entouré par tant d’évêques pour manifester ensemble l’unité de l’Église. Recevez tous mes encouragements, fervents et fraternels, pour le travail apostolique que vous assumez courageusement. Pour le service de Dieu, il nous faut porter le poids du jour et de la chaleur [cf Mt 20, 12]!

Continuez donc sans trêve à annoncer la parole du salut, cet Évangile qui nous a été solennellement confié à notre ordination épiscopale!

Et portez aussi mes encouragements, forts et chaleureux, dans tous vos diocèses, à tous: aux prêtres que j’aime tant, aux religieux et aux religieuses, à tous les fidèles, et d’une manière spéciale à ceux qui sont malheureux, aux malades, à ceux qui souffrent. A tous, portez l’affection et la bénédiction du Pape."

Palabras del Santo Padre Juan Pablo II al ICAO
Instituto Catolico de Africa Occidental, Abiyán, Costa de Marfil, Domingo 11 de mayo de 1980 - only in Spanish

"Debo darle, las gracias, señor rector, y dar las gracias a los miembros de este centro. Con toda sencillez os digo que me siento como en mi casa entre vosotros. Me digo muchas veces: Cuando el Señor instituyó el Colegio de los Doce Apóstoles, ¿no instituyó al mismo tiempo un seminario, una escuela, una facultad de teología, una universidad? Claro está que no; pero hay algo de ello, pues es verdad que al final de los años transcurridos con ellos, les dijo "enseñad". Esto quiere decir que debían saber enseñar. Para saber enseñar hay que comenzar siendo discípulos, yendo a un centro, aprendiendo a estudiar. Todavía no existía el sistema que tenemos hoy, el sistema escolar, el seminario, la universidad. Existía una escuela fundamental, una escuela que se halla en la base de todas las escuelas existentes hoy. Escuela elemental, media y universitaria.

Os diré una convicción mía; la he ido adquiriendo a lo largo de una experiencia que hicimos los obispos de la Iglesia contemporánea, y ya hace casi veinte años de ello. Lo sabíamos bien los cardenales y obispos del Concilio, sabíamos que llegaríamos a encontrar algo nuevo en la escuela del Espíritu. Y gracias a esta convicción hemos obedecido al Señor que actuaba por su Espíritu en esta escuela. También nosotros podemos dar a la Iglesia de nuestro tiempo, a la Iglesia de nuestra época, nuevas enseñanzas, las enseñanzas de ayer, de los comienzos, de hoy y del porvenir. Os digo esto para rendir homenaje al trabajo que hacéis aquí. Yo estoy muy vinculado a la institución universitaria, a la facultad de teología; y pienso sobre todo en la facultad de teología de Cracovia, que es algo parecida a la vuestra, pues es la más antigua de la nación. Pero en este caso se trata de una antigüedad de seis siglos. Cuando os veo aquí pienso en los profesores y estudiantes del siglo XIV que formaron la nueva generación de estudiantes, discípulos y maestros del Evangelio y de la humanidad de aquellos tiempos. Vosotros venís después de ellos, y el Papa procede de aquella generación. Allí fue discípulo y profesor, y ahora Papa; y ello gracias a la vocación del Espíritu, pero también gracias a aquellas enseñanzas, a aquella universidad, gracias a aquella facultad.

Me parece que os he dicho lo más importante. Os lo he dicho sin preparación, sin texto escrito; me ha brotado de lo hondo del corazón. Y diciéndoos esto, os bendigo y bendigo vuestro trabajo, vuestros esfuerzos, que son a la vez científicos y apostólicos. Es preciso que vuestra ciencia y enseñanzas sean científicas, pero han de convertirse en apostólicas al mismo tiempo, pues el mundo necesita apóstoles, y los apóstoles tienen necesidad de ciencia. Hay urgencia de buena teología, de buenas bases filosóficas, y se necesita también la ciencia contemporánea; pero hace falta que todo sea apostólico y, hasta diría, enraizado en el corazón de la divinidad, enraizado en el Corazón de Jesucristo mismo, porque El es la luz del mundo; y el mundo tiene necesidad de ciencia, de progreso científico, pero sobre todo tiene urgencia de luz, y Jesucristo es la luz del mundo.

Os bendigo de todo corazón, junto con los cardenales y obispos presentes; porque nos encontramos en un momento de la Iglesia en que la colegialidad responde al llamamiento del Señor. Ha llamado a todos los Apóstoles, y de entre ellos ha nombrado a Pedro."

Discours de Jean-Paul II aux Évêques de Côte d’Ivoire
Apostolic Nunciature, Abidjan, dimanche 11 mai 1980 - also in Italian, Portuguese & Spanish

"Très chers Frères dans l’épiscopat,
Depuis hier soir, nous nous rencontrons au milieu de votre peuple. A présent, je dispose avec vous d’un temps qui sera plutôt un entretien familier. Nous sommes en famille!

Je n’oublie pas que vos neuf diocèses sont assez divers pour ce qui est de l’implantation de l’Église. Je parlerai pour l’ensemble.

1. Tout d’abord, je me réjouis avec vous de la vitalité de l’Église en Côte d’Ivoire, et j’en rends grâce à Dieu. Il y a sans doute eu des conditions extérieures favorables: la paix, le caractère hospitalier et tolérant des habitants, un sens religieux inné comme souvent en Afrique. Mais nous le devons surtout à des hommes de foi remarquables, au zèle des pionniers que furent les missionnaires, à des initiatives nombreuses et persévérantes de leur part. Nous le devons aujourd’hui à vous-mêmes, chers Frères, dont je sais le dévouement courageux et avisé. Vous avez créé une excellente atmosphère de collaboration entre le clergé africain et les nombreux prêtres et religieux étrangers qui, Dieu merci, continuent leur entraide. Vous cherchez aussi à faire prendre conscience à vos laïcs de leurs responsabilités au plan apostolique et matériel. Et, en gardant le souci d’une liturgie et d’une vie chrétienne vraiment dignes, vous n’omettez pas d’affronter les multiples problèmes pastoraux qui surgissent.

2. Je me permets de souligner quelques-uns de ces problèmes, non pour y apporter des solutions qui sont l’objet de votre réflexion et de votre concertation, mais pour vous manifester l’intérêt que je prends à votre ministère épiscopal.

Je pense par exemple aux grandes villes d’Abidjan, de Bouaké, qui s’adjoignent un nombre considérable de nouveaux venus de la campagne et aussi des immigrants des pays voisins: comment rendre l’Église bien présente dans ces nouveaux quartiers et ces nouveaux milieux? Il y a les pauvres de toute sorte, les déracinés, les petits auxquels nous devons une présence et une sollicitude particulières, comme le Christ.

Il y a aussi une élite, des cadres, qui ont besoin d’une réflexion chrétienne plus approfondie, au niveau de leur culture et de leurs responsabilités, d’abord pour ne pas rester en marge de l’Église, et aussi pour participer à un développement plus harmonieux du pays.

Car il y a une justice sociale à promouvoir, à l’encontre de privilèges de fortune ou de pouvoir, d’inégalités trop fortes, de tentations d’enrichissements excessifs, parfois de corruption, comme vous le dites vous-mêmes. L’Église doit aider les responsables à ne pas transposer chez vous certains modèles de vie occidentaux, qui ont tendance a installer les personnes et les familles dans le matérialisme, l’individualisme et l’athéisme pratique, et à laisser pour compte bien des marginaux.

Vous êtes aussi préoccupés de la multitude des jeunes et des étudiants. Dans le cadre des paroisses, des écoles, ils méritent une pastorale spécialisée et notamment une catéchèse pour laquelle l’aide des aînés serait sans doute bienvenue. Vous avez fait beaucoup pour les écoles catholiques, dans un pays qui n’aurait pas dû connaître les relents du laïcisme occidental, et vous avez raison. L’enjeu de la jeunesse étudiante est très grand: puissions-nous mettre à leur disposition l’aumônerie dont ils auraient besoin!

Les catéchistes demeurent les collaborateurs indispensables de l’évangélisation, et à bon droit vous vous souciez de leur ménager une formation initiale et continue, appropriée aux besoins des diverses communautés et des divers milieux. J’en ai souvent parlé au cours de mon voyage. Il faut aussi former des éducateurs, prêtres, religieuses et laïcs, qui fassent des études religieuses plus approfondies, en tenant compte de leur culture africaine. L’évangélisation tirera grand profit de leur service qualifié, au plan théologique et apostolique. Je sais l’excellent travail que poursuit ici l’Institut Catholique de l’Afrique de l’Ouest, que je viens de visiter. C’est aussi une chance pour vous.

La pastorale familiale est particulièrement importante; je n’ignore pas les problèmes difficiles qu’elle soulève. J’en ai parlé à Kinshasa. Il vous appartient, à vous évêques, de les résoudre de façon concertée, en gardant la conviction que, à partir de l’Évangile, selon l’expérience séculaire de l’Église exprimée par le Magistère universel et grâce à une formation patiente des futurs époux, il est possible aux couples africains de vivre, avec une particulière intensité, le mystère de l’Alliance, dont l’alliance de Dieu avec son peuple, l’alliance de Jésus-Christ avec son Église demeurent la source et le symbole. De ces familles chrétiennes découleront des biens profonds et durables, y compris pour la foi des jeunes et les vocations.

Vos communautés catholiques doivent aussi trouver les rapports adéquats avec les autres communautés chrétiennes, avec les musulmans, avec d’autres groupes religieux. Mais surtout, vous avez encore devant vous un immense champ d’évangélisation: ceux qui demeurent disponibles pour l’annonce de l’Évangile, dans les villages et dans les villes. Il y a là un apostolat proprement missionnaire à poursuivre.

3. Tout cela a sa valeur, son importance, et il est bien difficile pour moi de vous indiquer des priorités dans ces secteurs d’apostolat. Pourtant, je pense qu’il vous faut, sans rien négliger, dégager ensemble des plans pastoraux pour faire converger les efforts sur l’essentiel, dans des directions précises, et s’y tenir avec persévérance.

Pour ma part, je voudrais seulement confirmer vos convictions sur quelques attitudes fondamentales.

D’abord au sujet de votre ministère épiscopal. Vous en savez mieux que quiconque les exigences. Saint Paul nous a avertis qu’être ministres du Christ, les yeux fixés sur l’Évangile, c’est s’exposer à des incompréhensions et à des tribulations. Comme le dit l’un de vos proverbes: “L’arbre situé au bord du sentier reçoit des coups de tous ceux qui passent”.

Mais je vous souhaite aussi de grandes consolations spirituelles. Demeurez des chefs spirituels qui soient en même temps des Pères pour leur peuple, à la manière du Christ qui sert. Restez libres vis-à-vis de tout pouvoir profane, tout en reconnaissant à celui-ci sa compétence et sa responsabilité spécifique. Continuez à susciter une large collaboration de vos prêtres et de vos laïcs, pour examiner les problèmes, et associez-les à vos décisions. Par-dessus tout, maintenez entre vous une étroite cohésion et une véritable collaboration, comme d’ailleurs avec les évêques de l’Afrique de l’Ouest. Ah oui, vivez très unis, dans une solidarité sans faille, entre vous et avec le Saint-Siège: c’est votre force.

J’insiste spécialement sur vos prêtres, vos collaborateurs nés, qu’ils soient ivoiriens ou venus de loin. Ils forment un même presbyterium, une même famille. Ils sont parfois dispersés, dans un apostolat difficile. Ils ont un besoin particulier de sentir votre soutien, de votre proximité, de votre présence amicale, de votre appréciation de leur travail, de votre encouragement par une vie sacerdotale digne et généreuse. Et cela favorisera aussi les vocations.

Car j’encourage beaucoup le soin que vous consacrez à susciter des vocations sacerdotales et religieuses, à procurer aux jeunes et aux grands séminaristes une formation qui leur donne le goût de l’Évangile, une foi solide, et le désir de répondre à l’appel du Christ et de servir l’Église d’une façon désintéressée, face à tous les besoins des communautés chrétiennes et aussi l’évangélisation.

Paul VI avait dit en Ouganda en 1969: “Vous êtes vos propres missionnaires”. C’est de plus nécessaire pour vous. Le passage s’est opéré au niveau de l’épiscopat: il faut le préparer au niveau des prêtres, même si, comme je l’espère bien, vous pourrez disposer longtemps encore de prêtres mis à votre service par d’autres Églises ou congrégations religieuses. Enfin, j’irai encore plus loin sur ce chemin “missionnaire”: c’est toute votre Église qui doit le devenir, prêtres, religieuses et laïcs, et les communautés elles-mêmes, par l’accueil, le témoignage et l’annonce explicite, auprès de ceux qui ignorent encore l’Évangile, en ce pays et en d’autres pays d’Europe.

4. Ces attitudes, comme les différentes œuvres pastorales à promouvoir, ne doivent point nous faire perdre de vue l’essentiel, chers Frères: la présence du Christ parmi nous, qui agit avec nous et par nous, dans la mesure où nous lui rapportons notre vie, nos soucis, nos espérances, dans une prière incessante. Aidez tous vos collaborateurs à entretenir en eux cette flamme de la vie spirituelle, cet amour de Dieu sans lequel nous ne serions que cymbales qui retentissent.

Précisément au moment où votre société ivoirienne est en rapide expansion économique et culturelle, avec toutes ses chances, mais aussi les tentations matérialisant que cela entraîne, il s’agit d’assurer une âme à cette civilisation. Et seuls des spirituels pourront l’entraîner dans un sens profondément chrétien qui soit en même temps profondément africain.

Que Notre-Dame ouvre nos cœurs à l’Esprit de son Fils! Recevez mon affectueuse Bénédiction."

Homélie de St Jean-Paul II à la Sainte Messe pour les Étudiants
Yamoussoukro, dimanche 11 mai 1980 - also in Italian, Portuguese & Spanish

"Chers étudiants et étudiantes,
Chers jeunes prêtres, qui concélébrez avec moi ce soir, et qui me donnez une grande joie, la joie de savoir l’avenir de l’Eglise en Côte d’Ivoire assuré par ses propres fils,

1. Comment vous remercier d'être venus si nombreux, si joyeux et si confiants autour du Père et du Chef de l’Eglise catholique? Je souhaite et je demande à Dieu que cette rencontre soit un moment de communion profonde de nos cœurs et de nos esprits, un moment inoubliable pour moi et déterminant pour vous.

Vos problèmes et vos aspirations d’étudiants ivoiriens sont parvenus à ma connaissance. J’en suis à la fois heureux et ému. C’est donc à des jeunes, concrètement situés et porteurs de grandes espérances humaines et chrétiennes, que je m’adresse en toute confiance. La liturgie de la Parole qui vient de s’achever a certainement contribué à mettre vos âmes en état de réceptivité. Ces trois lectures constituent un cadre idéal pour l’exigeante méditation que nous ferons tout à l’heure. L’Eglise, à laquelle vous êtes agrégés par les sacrements de baptême et de confirmation ― j’aurai d’ailleurs la joie de conférer ce dernier à plusieurs d’entre vous ― est une Eglise ouverte, dès sa fondation, à tous les hommes et à toutes les cultures; une Eglise assurée de connaître un terme glorieux à travers les humiliations et les persécutions qui lui sont infligées au cours de l’histoire; une Eglise mystérieusement animée par l’Esprit de Pentecôte et passionnée de révéler aux hommes leur dignité inaliénable et leur vocation de « familiers de Dieu », de créatures habitées par Dieu, Père, Fils et Esprit. Comme il est tonifiant de respirer cette atmosphère d’une Eglise toujours jeune et résolue!

Vos évêques vous ont donc récemment adressé, à vous, mais aussi à vos parents et à vos responsables, une lettre qui voulait diagnostiquer les dangers qui menacent la jeunesse et provoquer, dans ses rangs comme chez les adultes, un généreux sursaut spirituel. Beaucoup parmi vous sont très conscients des difficultés et des misères qui atteignent les milieux des jeunes. Sans généraliser, ils n’ont pas peur d’appeler les choses par leur nom et d’interroger leurs aînés en se référant aux célèbres paroles du prophète Ezéchiel: « Les pères ont mangé des raisins verts, les dents des fils sont agacées » [Ez 18, 2].

2. Aujourd’hui, pour ma part, je voudrais vous convaincre d’une vérité de bon sens mais capitale, et qui vaut pour tout homme et toute société qui souffre physiquement ou moralement; à savoir que le malade ne peut guérir s'il ne prend lui-même les remèdes qui s’imposent. C’est ce que l’Apôtre saint Jacques voulait faire comprendre aux premiers chrétiens [cf Jc 1, 23-26]. A quoi bon diagnostiquer le mal dans le miroir de la conscience individuelle et collective, si on l’oublie aussitôt ou si on refuse de le traiter. Chacun dans la société porte des responsabilités à l’égard de cette situation, et chacun est donc appelé à une conversion personnelle qui est bel et bien une forme de participation à l’évangélisation du monde [cf Evangelii Nuntiandi, 21, 41]. Mais à vous, je vous demande: n’est-il pas vrai que si tous les jeunes consentent à changer leur propre vie, toute la société changera? Pourquoi attendre plus longtemps des solutions toutes faites aux problèmes dont vous souffrez? Votre dynamisme, votre imagination, votre foi sont capables de transporter des montagnes!

Regardons ensemble, calmement et avec réalisme, les chemins qui vous conduiront vers la société dont vous rêvez. Une société construite sur la vérité, la justice, la fraternité, la paix; une société digne de l’homme et conforme au projet de Dieu. Ces chemins sont inéluctablement ceux de votre ardente préparation à vos responsabilités de demain et ceux d’un véritable sursaut spirituel.

Jeunes Ivoiriens, retrouvez ensemble le courage de vivre! Les hommes qui font avancer l’histoire, au niveau le plus humble ou le plus élevé, sont bien ceux qui demeurent convaincus de la vocation de l’homme: vocation de chercheur, de lutteur et de bâtisseur. Quelle est votre conception de l’homme? C’est une question fondamentale, parce que la réponse sera déterminante pour votre avenir et l’avenir de votre pays, parce que vous avez le devoir de réussir votre vie.

3. Vous avez en effet des obligations vis-à-vis de la communauté nationale. Les générations passées vous portent invisiblement. Ce sont elles qui vous ont permis d’accéder à des études et à une culture destinée à faire de vous les cadres d’une nation jeune. Le peuple compte sur vous. Pardonnez-lui de vous considérer comme des privilégiés. Vous l’êtes réellement, au moins au plan de la répartition des biens culturels. Combien de jeunes de votre âge ― dans votre pays et dans le monde ― sont au travail et contribuent déjà, comme ouvriers ou agriculteurs, à la production et au succès économique de leur pays! D’autres, hélas, sont sans travail, sans métier, et parfois sans espoir. D’autres encore n’ont pas et n’auront pas la chance d’accéder à une scolarisation de qualité. Vous avez envers tous un devoir de solidarité. Et ils ont envers vous le droit d’être exigeants. Chers jeunes, voulez-vous être les penseurs, les techniciens, les responsables dont votre pays et l’Afrique ont besoin? Fuyez comme la peste le laisser-aller et les solutions de facilité. Soyez indulgents pour les autres et sévères pour vous-mêmes! Soyez des hommes!

4. Laissez-moi encore souligner un aspect très important de votre préparation humaine, intellectuelle, technique, à vos tâches futures. Cela aussi fait partie de vos devoirs. Gardez bien vos racines africaines. Sauvegardez les valeurs de votre culture. Vous les connaissez et vous en êtes fiers: le respect de la vie, la solidarité familiale et le soutien aux parents, la déférence à l’égard des anciens, le sens de l’hospitalité, le judicieux maintien des traditions, le goût de la fête du symbole, l’attachement au dialogue et à la palabre pour régler les différends. Tout cela constitue un vrai trésor dont vous pouvez et devez tirer du neuf pour l’édification de votre pays, sur un modèle original et typiquement africain, fait d’harmonie entre les valeurs de son passé culturel et les données les plus recevables de la civilisation moderne. A ce plan précis, demeurez très vigilants, face aux modèles de société qui sont fondés sur la recherche égoïste du bonheur individuel et sur le dieu-argent, or sur la lutte des classes et la violence des moyens. Tout matérialisme est une source de dégradation pour l’homme et d’asservissement de la vie en société.

5. Allons encore plus loin dans la claire vision de la route à suivre ou à reprendre. Quel est votre Dieu? Sans rien ignorer des difficultés que les mutations socio-culturelles de notre époque causent à tous les croyants, mais aussi en songeant à tous ceux qui luttent pour garder la foi, j’ose dire en bref et avec insistance: Levez la tête! Regardez avec des yeux neufs vers Jésus-Christ! Je me permets de vous demander amicalement: avez-vous eu connaissance de la lettre que j’ai écrite l’an dernier à tous les chrétiens sur le Christ rédempteur? Dans le sillage des Papes qui m’ont précédé, Paul VI spécialement, je me suis efforcé de conjurer la tentation et l’erreur de l’homme contemporain et des sociétés modernes de reléguer Dieu et de mettre fin à l’expression du sentiment religieux. La mort de Dieu dans le cœur et la vie des hommes est la mort de l’homme. J’écrivais dans cette lettre: « L’homme qui veut se comprendre lui-même jusqu’au fond ne doit pas se contenter pour son être propre de critères et de mesures qui seraient immédiats, partiaux, souvent superficiels et même seulement apparents; mais il doit, avec ses inquiétudes, ses incertitudes et même avec sa faiblesse et son péché, avec sa vie et sa mort, s’approcher du Christ. Il doit pour ainsi dire, entrer dans le Christ avec tout son être, il doit "s’approprier" et assimiler toute la réalité de l’Incarnation et de la Rédemption pour se retrouver soi-même. S’il laisse ce processus se réaliser profondément en lui, il produit alors des fruits non seulement d’adoration envers Dieu, mais aussi de profond émerveillement pour soi-même. Quelle valeur doit avoir l’homme aux yeux du Créateur s’il "a mérité d’avoir un tel et si grand Rédempteur", si "Dieu a donné son Fils" afin que lui, l’homme, "ne se perde pas, mais qu’il ait la vie éternelle"! » [Redemptor Hominis, 10]. Oui, très chers jeunes, Jésus-Christ n’est pas un ravisseur de l’homme, mais un Sauveur. Et il veut libérer, pour faire, de vous tous et de chacun, des sauveurs dans le monde étudiant d’aujourd’hui comme dans les professions et responsabilités importantes que vous assumerez demain.

6. Alors, cessez de penser tout bas ou de dire tout haut que la foi chrétienne est bonne seulement pour les enfants et les gens simples. Si elle apparaît encore ainsi, c’est que des adolescents et des adultes ont gravement négligé de faire croître leur foi au rythme de leur développement humain. La foi n’est pas un joli vêtement pour le temps de l’enfance. La foi est un don de Dieu, un courant de lumière et de force qui vient de Lui, et doit éclairer et dynamiser tous les secteurs de la vie, au fur et à mesure qu’elle s’enracine dans les responsabilités. Décidez-vous, décidez vos amis et vos camarades étudiants à prendre les moyens d’une formation religieuse personnelle, digne de ce nom. Profitez des aumôniers et des animateurs mis à votre disposition. Avec eux, entraînez-vous à faire la synthèse entre vos connaissances humaines et votre foi, entre votre culture africaine et la modernité, entre votre rôle de citoyens et votre vocation chrétienne. Célébrez votre foi et apprenez à prier ensemble. Vous retrouverez ainsi le sens de l’Eglise qui est une communion au même Seigneur entre croyants, qui s’en vont ensuite au milieu de leurs frères et sœurs pour les aimer et les servir à la manière du Christ. Vous avez un besoin vital d’insertion dans des communautés chrétiennes, fraternelles et dynamiques. Fréquentez-les assidûment. Animez-les du souffle de votre jeunesse. Bâtissez-les, si elles n’existent pas. C’est ainsi qui tombera votre tentation d’aller chercher ailleurs ― dans des groupes ésotériques ― ce que le christianisme vous apporte en plénitude.

7. Logiquement, l’approfondissement personnel et communautaire dont nous venons de parler doit vous conduire à des engagements apostoliques concrets. Beaucoup parmi vous sont déjà sur cette voie, je les félicite. Jeunes de Côte d’Ivoire, aujourd’hui, le Christ vous appelle par son représentant sur la terre. Il vous appelle comme il appela Pierre et André, Jacques et Jean, et les autres Apôtres. Il vous appelle à édifier son Eglise, à bâtir une société nouvelle. Venez en foule! Prenez place dans vos communautés chrétiennes. Offrez royalement votre temps et vos talents, votre cœur et votre foi pour animer les célébrations liturgiques, pour prendre part à l’immense travail catéchétique auprès des enfants, des adolescents et même des adultes, pour vous insérer dans les nombreux services au bénéfice des plus pauvres, des analphabètes, des handicapés, des isolés, des réfugiés et des migrants, pour animer vos mouvements d’étudiants, pour œuvrer dans les instances de défense et de promotion de la personne humaine. En vérité le chantier est immense et enthousiasmant pour des jeunes qui se sentent débordants de vie.

Le moment me semble tout à fait indiqué pour m’adresser aux jeunes qui vont recevoir le sacrement de la confirmation, précisément pour entrer dans une nouvelle étape de leur vie baptismale: l’étape du service actif sur l’immense chantier de l’évangélisation du monde. L’imposition des mains et l’onction du saint Chrême vont signifier réellement et efficacement la venue plénière de l’Esprit Saint au plus profond de votre personne, au carrefour en quelque sorte de vos facultés humaines d’intelligence en quête de vérité et de liberté en recherche d’idéal. Votre confirmation d’aujourd’hui est votre Pentecôte pour la vie! Réalisez la gravité et la grandeur de ce sacrement. Quel sera votre style de vie désormais? Celui des Apôtres à la sortie du Cénacle! Celui des chrétiens de toute époque, énergiquement fidèles à la prière, à l’approfondissement et au témoignage de la foi, à la fraction du pain eucharistique, au service du prochain et surtout des plus pauvres [cf Ac 2, 42-47]. Jeunes confirmés d’aujourd’hui ou d’hier, avancez tous sur les routes de la vie comme des témoins fervents de la Pentecôte, source inépuisable de jeunesse et de dynamisme pour l’Eglise et pour le monde.

Attendez-vous à rencontrer parfois l’opposition, le mépris, la moquerie. Les vrais disciples ne sont pas au-dessus du Maître. Leurs croix sont comme la passion et la croix du Christ: source mystérieuse de fécondité. Ce paradoxe de la souffrance offerte et féconde est vérifiée depuis vingt siècles par l’histoire de l’Eglise.

Laissez-moi enfin vous assurer que de tels engagements apostoliques vous préparent non seulement à porter vos lourdes responsabilités à venir, mais encore à fonder de solides foyers, sans lesquels une nation ne peut longtemps tenir debout; et qui plus est, des foyers chrétiens, qui sont autant de cellules de base de la communauté ecclésiale. Ce sont des engagements qui achemineront certains d’entre vous vers le don total au Christ, dans le sacerdoce ou la vie religieuse. Les diocèses de Côte d’Ivoire, comme tous les diocèses d’Afrique, ont le droit de compter sur votre généreuse réponse à l’appel que le Seigneur fait certainement entendre à beaucoup d’entre vous: « Viens, et suis-moi ».

Feu de paille, cette célébration? Feu de paille, cette méditation? Les textes liturgiques de ce sixième dimanche de Pâques nous affirment le contraire. L’évangile de Jean nous certifie que l’Esprit Saint habite les cœurs aimants et fidèles des disciples du Christ. Son rôle est de rafraîchir leur mémoire de croyants, de les éclairer en profondeur, de les aider à répondre, dans la paix et l’espérance de ce monde nouveau évoqué dans la lecture de l’Apocalypse.

Que ce même Esprit Saint nous unisse tous et nous consacre tous au service de Dieu notre Père et des hommes nos frères, par le Christ, dans le Christ et avec le Christ! Amen."

Visite de St Jean-Paul II à la Léproserie de Adzopé
Adzopé, lundi 12 mai 1980 - also in Italian, Portuguese & Spanish

"Chers amis,
1. Je viens vous rendre visite, et d’abord vous saluer, tous et chacun, avec respect, avec affection.

C’est l’Évêque de Rome qui vient à vous, c’est-à-dire le Chef spirituel de la communauté catholique de Rome. Mais il a en même temps la charge d’être le Centre d’unité entre les chrétiens du monde entier, d’être leur Pasteur, comme les pasteurs de troupeau qui n’oublient aucune brebis.

Dans cette léproserie, tous ne sont pas catholiques; je respecte leurs sentiments religieux, leur façon de s’adresser à Dieu, selon leur conscience. Car personne n’est dispensé de se tourner vers Dieu; et comment l’oublier quand la misère nous étreint? Mais je crois que j’ai une bonne parole pour tous. Car le Christ Jésus, le Fils de Dieu, que je sers et que je représente parmi vous, s’est arrêté avec prédilection devant la souffrance humaine, la maladie, l’infirmité, et surtout l’infirmité qui met un peu à l’écart des autres, comme la lèpre, et qui crée ainsi une double souffrance.

Certes, il est venu pour tous, afin que tous, grands et petits, riches ou pauvres, justes et pécheurs, sachent que le Royaume de Dieu leur était ouvert, que l’Amour de Dieu était sur eux, que la vie de Dieu leur était destinée, moyennant la foi et la conversion.

Le Pape aussi s’adresse à tout le peuple et, s’il rencontre spécialement les chefs spirituels et civils, c’est parce que leurs responsabilités sont plus vastes, pour le bien d’un grand nombre. Mais je faillirais à ma mission si je ne passais pas un temps appréciable avec ceux que Jésus aimait particulièrement, à cause de leur misère, parce qu’ils avaient besoin de réconfort, de soulagement, de guérison, d’espérance. J’ai donc voulu que ma visite ultime en Afrique soit pour vous. Et à travers vous, je visite en esprit et j’embrasse tous les autres lépreux et infirmes de ce pays, et de toute l’Afrique.

2. Grâce à la médecine, grâce au zèle d’admirables pionniers, grâce au dévouement quotidien de nombreux infirmiers et infirmières, d’amis de toute sorte qui vous aident, parmi lesquels beaucoup de religieux, grâce aussi aux responsables civils qui ont favorisé cette prise en charge, on a pu améliorer votre sort; non seulement votre santé, mais votre environnement, en vous permettant souvent de vivre comme dans un village, en famille.

Maintenant la lèpre ne fait plus peur comme avant, surtout si on la dépiste et si on la soigne assez tôt. Je me joins à vous pour remercier tous ces amis des lépreux, qui vous consacrent leur vie. Sans le savoir peut-être ou sans le croire, ils sent exactement ce que le Christ a demandé. Que Dieu les soutienne et les récompense!

3. Mais je suis sûr aussi qu’ils reçoivent de vous des consolations. Non seulement parce que vous les aimez, mais parce qu’ils admirent votre patience, votre sérénité, votre courage, la solidarité qui vous lie entre vous, le sens familial que vous gardez. Car vous n’êtes pas seulement des assistés: vous vous prenez en charge, vous faites tout pour vivre, pour marcher, pour travailler, avec les moyens pauvres, avec les membres handicapés que la maladie vous laisse. Cet espoir est beau.

J’en suis moi-même ému. Ce désir de vivre plaît à Dieu, et je vous souhaite de le développer. Vous êtes, pourrait-on dire, vos propres médecins.

4. Mais je ne viens pas seulement pour vous donner cet encouragement humain. Je viens pour confirmer ce que des prêtres, des sœurs, des laïcs chrétiens vous ont sans doute déjà dit: dans votre misère, Dieu vous aime. Ce mal ne correspond pas à son dessein d’amour. Et vous-mêmes n’en portez nullement la faute. N’y voyez pas une fatalité. Voyez-y seulement une épreuve.

Le Christ que nous adorons a subi lui-même une épreuve, celle de la Croix, une épreuve qui l’a défiguré, et cela sans aucune faute de sa part. Il s’en est remis à Dieu, son Père. Il s’est tourné vers Lui pour demander aussi la délivrance. Mais il a accepté; il a offert. Et sa souffrance est devenue pour d’innombrables hommes, pour vous, pour moi, une cause de salut, de pardon, de grâce, de vie.

C’est un grand mystère que cette solidarité dans la souffrance. C’est le cœur de notre religion. Ceux qui sont chrétiens comprennent mon langage. Votre souffrance, accueillie, portée avec patience, amour des autres, offerte à Dieu, devient source de grâce, pour vous auxquels le Seigneur réserve son paradis, et pour beaucoup d’autres. Vous pouvez aussi prier pour moi, et pour tous ceux qui me confient leur misère.

Que Dieu vous aide! Que Dieu vous donne la paix!

5. Je me tourne maintenant vers ceux d’entre vous qui ont ouvert leur âme à la foi en Jésus-Christ Sauveur et qui ont reçu le baptême et la confirmation, après une longue préparation. Quelle grâce! Ils sont visiblement agrégés à la famille des chrétiens, l’Église. Après avoir renoncé au démon et à ses séductions et proclamé leur foi, ils ont reçu eux aussi, comme nous, avec le pardon de leurs péchés, la vie du Christ, pour avoir part à son sacrifice et à sa résurrection. L’amour de Dieu est répandu dans leur cœur par l’Esprit Saint. Ils pourront recevoir en nourriture le Pain sacré qui est le Corps du Christ. Ils sont habités par Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit. Et ils deviendront à leur tour les témoins de l’amour du Christ pour leurs frères souffrants

Que Dieu vous bénisse, chers fils et filles! Qu’il bénisse tous les habitants de cette léproserie! Qu’il bénisse tous vos frères qui souffrent de la lèpre ainsi que leurs familles, leurs amis et ceux qui les assistent!"

Discours du Pape St Jean-Paul II au départ de l'Afrique
Abidjan, lundi 12 mai 1980 - also in Italian, Portuguese & Spanish

"1. Au terme de ma visite dans la République de Côte d'Ivoire, c’est le cœur chargé de reconnaissance que je m’adresse une dernière fois à vous, Monsieur le Président, et, à travers vous, à tout le Peuple Ivoirien. Merci, oui, merci de votre accueil vraiment inoubliable, de la chaleur des rencontres, du climat fervent et amical qui a marqué tous le contacts. Merci d’avoir compris le caractère particulier que je souhaitais donner à ce séjour, comme il convenait à ma mission spirituelle de service universel. Merci de votre joie. La mienne a été plus grande encore. Je ressens l’honneur que vous m’avez fait. Je mesure aussi vos efforts pour réserver à votre invité une hospitalité digne de la Côte d’Ivoire et de l’Afrique. De tout cela je conserverai toujours le souvenir, je vous le promets.

En particulier, je remercie les autorités pour l’honneur qu’elles m’on faite de donner mon nom à une rue de la ville d’Abidjan et à la grande place de Yamoussoukro.

C’est un geste délicat dont j’espère qu’il contribuera à tenir vivant non seulement le souvenir de ma visite mais surtout de mon estime et de mon affection pour tout le Peuple ivoirien.

Je me réjouis aussi d’avoir eu l’occasion de bénir la première pierre de la cathédrale d’Abidjan et de l’Église de Notre-Dame d’Afrique. Un lien personnel c’est ainsi établi entre le Pape et ces deux églises. J’ose espérer que tous ceux qui y prieront, n’oublieront pas de prier aussi pour l’Église universelle... et pour moi!

Le déplacement, hier, en dehors de la capitale, que j’ai entrepris, pour rencontrer la jeunesse de ce Pays, a été pour moi une expérience de joie, et une heure d’espérance pour l’avenir de ce cher Pays.

2. A Mgr Bernard Yago, à mes frères évêques et à tous les catholiques du pays, alors qu’il faut bien leur dire au revoir, puis-je confier une certaine nostalgie naissante? Celle d’avoir vu des communautés vivantes, pleines d’enthousiasme et d’imagination, et de devoir maintenant les quitter... L’imagination est une vertu à laquelle on songe trop peu. Mais vous savez en faire preuve pour trouver, dans le contexte qui est le vôtre, les voies adaptées de l’évangélisation. Vous donnez ainsi un exemple qui pourra servir à encourager d’autres Conférences épiscopales et d’autres Églises locales. Cela vous crée un même temps comme une obligation morale, au nom de la solidarité des membres du Corps du Christ, qui est que tous, clergé, religieux et religieuses, laïcat, cherchent à purifier encore leur témoignage pour le rendre sans cesse plus conforme à ce que le Seigneur en attend. Je vous exprime mon espoir en même temps que ma profonde satisfaction.

3. Adieu maintenant, ô toi l’Afrique, ce continent si aimé déjà et qu’il me tardait, depuis mon élection au Siège de Pierre, de découvrir et de parcourir. Adieu aux Peuples qui m’ont reçu, et à tous les autres auxquels j’aimerais tellement un jour; si la Providence le permet, porter personnellement mon affection. J’ai appris beaucoup de choses pendant ce périple. Vous ne pouvez savoir combien il fut instructif. A mon tour, je voudrais laisser aux Africains un message jailli du cœur, médité devant Dieu, exigeant parce que venant d’un ami pour ses amis.

L’Afrique m’a paru un vaste chantier, à tous points de vue, avec ses promesses et aussi, peut-être, ses risques. Où que l’on aille, on admire une entreprise considérable en faveur du développement et de l’élévation du niveau de vie, en faveur de progrès de l’homme et de la société. Le chemin est long à parcourir. Les méthodes peuvent être différentes et se révéler plus ou moins adaptées. Mais le désir d’avancer est indéniable. Déjà, des résultats sensibles ont été obtenus.

L’instruction se répand, des maladies jadis mortelles sont vaincues, des techniques nouvelles sont mises en route, on commence à savoir lutter contre certains obstacles naturels. On éprouve davantage aussi la valeur des richesses propres à l’âme africaine, et cela suscite la fierté.

Parallèlement, l’accession à la souveraineté nationale et son respect semblent faire l’objet des aspirations de tous.

Il y a là un patrimoine original, qu’il faut absolument sauvegarder et promouvoir harmonieusement. Il n’est pas facile de maîtriser pareil bouillonnement, de faire que les forces vives servent au développement authentique. La tentation est grande en effet de démolir au lieu de construire, de se procurer à grand prix des armes pour des populations qui ont besoin de pain, de vouloir s’approprier le pouvoir - fût-ce en entraînant des ethnies contre d’autres, dans des luttes fratricides et sanglantes - alors que les pauvres soupirent après la paix, ou encore de succomber à l’ivresse du profit au bénéfice d’une classe de privilégiés.

Ne tombez pas, chers frères et sœurs Africains, dans cet engrenage désastreux, qui n’a vraiment rien à voir ni avec votre dignité de créatures de Dieu, ni avec ce dont vous êtes capables. Vous n’avez pas à imiter certains modèles étrangers, basés sur le mépris de l’homme ou sur l’intérêt. Vous n’avez pas à courir après des besoins artificiels qui vous donneront une liberté illusoire ou qui vous mèneront à l’individualisme, alors que l’aspiration communautaire est si fortement chevillée en vous. Vous n’avez pas non plus à vous leurrer sur les vertus d’idéologies qui vous font miroiter un bonheur complet toujours remis à demain.

Soyez vous-mêmes. Je vous assure: vous pouvez, vous qui êtes si fiers de vos possibilités, donner au monde la preuve que vous êtes capables de résoudre vous-mêmes vos problèmes propres, avec l’assistance humanitaire, économique et culturelle qui vous est encore utile et qui n’est que justice, mais en veillant à orienter tout cela dans la bonne direction.

Une éthique personnelle et sociale est nécessaire si vous voulez y parvenir. L’honnêteté, le sens du travail, du service, du bien commun, le sens profond de la vie en société, ou le sens de la vie tout court, ce sont des mots ou des expressions qui vous parlent déjà. Je vous souhaite de toujours rechercher leur application concrète et loyale, comme je souhaite à mes fils et filles catholiques de mieux les mettre eux-mêmes en pratique et d’aider à en découvrir la portée.

4. Je suis en Afrique, en particulier pour commémorer le centenaire de l’évangélisation dans plusieurs pays. Ce sont des anniversaires chargés d’espérance, l’espérance d’un nouveau souffle pour entreprendre une nouvelle étape. Ceci vaut d’ailleurs pour tous les pays visités. Vous êtes l’Église en Afrique. Quel honneur, et aussi quelle responsabilité! Vous êtes toute l’Église, et en même temps, vous êtes une partie de l’Église universelle, un peu comme l’Évangile qui est le bien de chacun et s’adresse également à tous. Un peu comme Jésus-Christ lui-même qui, s’étant incarné au sein d’un peuple, vit son incarnation au sein de chaque peuple, car il est venu pour tous, il appartient à tous, il est le don merveilleux du Père à toute l’humanité. Je crois vraiment et je professe qu’il est venu pour les Africains, pour élever et sauver l’âme africaine, en attente elle aussi du salut, lui montrer sa beauté mais l’enrichir en outre de l’intérieur, lui prêcher la vie éternelle avec Dieu. Il est venu pour les Africains comme pour tous les hommes, c’est-à-dire au même titre, et il n’est étranger à aucun sentiment national, à aucune mentalité, invitant ses disciples de quelque continent qu’ils soient originaires, à vivre entre eux l’admirable échange de la foi et de la charité.

Comme lui, j’aimerais vous dire, en ce jour, avec tout l’amour qui emplit mon cœur: le Pape est le serviteur de tous les hommes, le Pape se sent chez lui en Afrique!

Adieu l’Afrique! J’emporte avec moi tout ce que tu m’as donné si généreusement et tout ce que tu m’as révélé au cours de ce voyage. Que Dieu te bénisse en chacun de tes enfants, et qu’Il te fasse goûter la paix et la prospérité!"